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Une page de BD façon Moebius
D'après une chanson originale de Benoît, accessible sur Youtube . Le projet a duré 3 mois, la conception est expliquée sur le blog de novembre 2020, et la création du clip sur le blog de mars 2021. La musique et le clip peuvent être téléchargés à la page download.
Vous pouvez voir la chanson (6 mn) sur ce lien .
Une page modulaire
Vous avez ci-contre le rendu final. Il est de grande dimension : 1 mètre 20cm de haut, 90 cm de large. Oui, c'est très grand, plus grand qu'une affiche.
Et la page est modulaire : les 3 lignes qui la composent peuvent être agencées horizontalement. On passe alors de la page BD à une grande fresque de 2,60 m de long et 40 cm de hauteur. C'est selon l'envie.
L'histoire racontée
Bien sûr, il vaut mieux écouter la chanson de Benoît, avec sa musique.
En quelques mots, c'est un dialogue entre 2 personnes qui partent pour une traversée au long cours, sur un océan de vie parfois déchaîné, mais également sombre et immobile. L’histoire d’un couple aventurier qui brave la tempête, sombre dans les abysses ou surnage parmi les débris de fiers vaisseaux écartelés.
Il y a plusieurs fils conducteurs dans la représentation bande dessinée :
- Le couple, qui disparaît sur les 2 premiers tableaux en partant s'embarquer, et qui revient après le naufrage, en s'enfonçant dans les profondeurs de la mer, puis en gros plan dans le dernier tableau
- Le bateau, gaillard et tranquille sur le 2e tableau, puis brave affrontant les vagues, et brisé au début du 3e module
- La mer, représentée à chaque tableau dans des états différents, et suivant le texte de la chanson
- La lumière du jour, partant des 1ers rayons de soleil, pour arriver à la nuit après toute une journée
- Venise, d'où partent les aventuriers et où ils reviennent .
Les noirs et blancs
Tous les dessins sont préparés à la tablette numérique. J'aime savoir où je vais avant de prendre mes pinceaux
Dans les séries précédentes (Ricochet, Mecanat), j'ai rodé la technique de composition sur dessin numérique, en hachurant les zones sombres, et plaçant mes dessins, que je peux ensuite adapter au format de la feuille de papier.
Sur ce projet, j'ai en plus pré-composé toute la série, pour avoir une vue générale sur la pagination et le déroulé de l'histoire. En passant à la réalisation définitive, chaque dessin a été ajusté et repris, mais le déroulé est resté fidèle aux intentions d'origine.
Embarquement
Avant la peinture du premier tableau, le déroulé de l'ensemble de la page avait été défini. Il n'en reste pas moins que passer d'un croquis préparatoire à une réalisation change le point de vue.
Ce qui était décidé était la mise en page : un couple sur une gondole, que l'on voit à 3 reprise, disparaître vers l'horizon, jusqu'à la frégate de 3 mâts qui les attend tout au bout du Grand Canal.
Il avait également été planifié de partir de Venise, parceque l'Italie nous parlait, et que les costumes devaient donner une silhouette caractéristique aux 2 personnages. Un chapeau tubulaire pour monsieur, une coiffe triangulaire pour madame.
A la réalisation, je me suis intéressé à la luminosité. Tout part du ciel en aquarelle, et j'ai conçu un contre jour qui amènerait une mer orange et mauve, avec les bâtiments dans un léger contre jour.
Sur la gauche, le soleil inonde les fenêtres de rayons ors et pourpres. Les rayons de soleil font la jonction des 2 premières images et accentuent la perspective. La mer est traitée différemment, polychrome sur le 1er tableau, fondue sur le 2e.
La position de la jeune femme raconte l'histoire du couple : d'abord à l'avant de la gondole, en figure de proue aspirée par l'aventure, puis assise face au gondolier, et enfin à son côté, l'enlaçant. Ce sont différentes représentations d'une aventure qui commence entre 2 personnes.
Les clins d'œil : Ils sont présents à chaque image. Ici, un chat à gauche, et un joueur de mandoline à droite.
Départ
Une fois que le couple a embarqué, il prend le large. Dans le texte, "On les ouvrait les routes, on les dressait les cartes / Des continents insus par nul autre foulés / Poitrines palpitantes et les yeux grand ouverts "
Une belle lumière de matinée, avec un ciel sans nuage, synonyme d'espoir et d'optimisme.
Le 2e tableau est en couleur inversée du 1er. Cela se voit sur le dôme de l'Eglise du salut, dont le toit bleu devient blanc.
Les clins d'œil : les mouettes de Richochet.
Courage
Et puis la mer : "On bravait les tempêtes à gorge déployée
Quand la mer était fière, quand elle nous secouait,
Qu'elle nous éclaboussait alors, rappelle-toi comme on l’aimait "
Le ciel, le bateau, l'océan. Pas de clin d'œil, juste les 3 éléments.
Pour rester dans le style BD, j'ai décomposé l'eau en 2 grosses vagues, reprises par des silhouettes de montagnes, et en dessinant de très fines gouttes.
Les vagues elles sont peintes en bleu winsor blue-shade et outremer. Le ciel est lourd, peint dans des tonalités bleu winsor green-shade, assombri par du Van Dyke brown, et que j'ai ombré encore avec du quinacridone violet (pour arriver au noir).
Désespoir
Au dessin précédent, le bateau brisait les vagues. Maintenant, la mer prend le dessus
"On en a vu tellement des navires qui chavirent
Entraînant par le fond des tonnes de regrets
Nous pauvres marins...
Il nous reste la mer à boire et les yeux pour pleurer
Ce tableau est la charnière de la planche. Sur les 3 derniers tableaux, le bateau était représenté seul, il n'y avait plus de personnages.
Notez que le bateau est présenté sous un angle différent à chaque fois : vu de devant au départ de Venise, par en dessous quand il brise les vagues, en plongée arrière quand il se fait engloutir.
Dessin pivot car les personnages reviennent. J'ai longtemps parlé avec Benoît, et nous avions cette idée de placer un personnage surgissant entre deux images. accentuer la transition, le format de l'image du bas est très étiré (la proportion est 6/29). Et pour transcrire le fond de l'océan, les couleurs tirent vers le bleu.
Pour en revenir au bateau qui sombre, le tableau est très détaillé, mais la composition est simple : une immense vague qui submerge la frégate, sous un ciel qui vire du gris au rose clair. La partie la plus détaillée est la vague elle-même, en particulier derrière le bateau.
Clin d'œil : le nom du bateau, Ellipse.
Naufragés
Cette partie de la chanson est le moment tragique, vous pouvez en lire le texte. Quand elle te laisse à bout, nu sur un banc de sable / Auprès d'un être cher dévoré par les crabes / Qu'est-ce qui nous pousse au cul pour qu'on reparte encore ?
Je suis tombé sur cette photo de boat people, j’ai saisi les positions pour les reporter sur mon tableau.
Pour la composition, les éléments sont assez simples :
- Un ciel enflammé, peint façon BD : les contours des formes principales sont marquées au liner
- La mer, dans des tons très doux, bordés ci et là de rochers à peine esquissés
- La silhouette du bateau dans des tons monochromes et froids. En fait, le bateau est très détaillé.
- Les personnages en 1er plan, contre jour, et sortant du cadre.
Toi et moi
Nous terminons par les personnages. Le texte :
Quand la vie s'envase, quand elle devient stagnante
Quand elle n'a plus que l'onde de ce qu'elle sait chanter
D'aucuns disent alors la vie se désenchante
Et moi je vous dirais qu'il faut lui pardonner
Quand ma vie à la nuit dans mes rêves me hante
Je ne suis jamais seul, tu es à mes côtés
J'avais organisé une sorte de cache-cache tout au long de la planche avec les personnages. Ils apparaissaient mais pas complètement.
Le teasing se termine par une sorte de Selfie, comme on peut en prendre en soirée. C'est le jeu du narrateur "je ne te montre pas, et puis voilà".
La femme est légèrement appuyée sur l'homme, qui est en second plan. Ils se donnent la main, à droite celle de la femme enserrant celle de l'homme, à gauche inversement.
Le tableau est assez grand (31X40 cm). Cela m'a permis de bien texturer chaque zone du tableau pour représenter cette lumière nocturne, avec un ciel au final très clair, et une ville en arrière-plan (Venise !) plus sombre.
Le tableau est très vertical, avec les 2 personnages pris de pied. J'ai ajouté des diagonales, en reprenant la perspective et en mettant en regard 2 autres protagonistes : un chat et un rat. Le rat est un clin d'œil en référence à Façon de. Autre clin d'œil, le joueur de mandoline qui revient à gauche du tableau.
Merci à Benoît pour m'avoir prêté sa chanson, le projet était passionnant pour nous 2.
A suivre, peut-être, un remixage de la chanson.