Dans ce numéro 24 de l'Art de l'Aquarelle, paru en mars 2015, de nouvelles rubriques : Ma dernière peinture, Concours des lecteurs, Ma peinture préférée , Vu sur Facebook.
2 Polonais sont à l'honneur dans cette édition: Stanislaw Zoladz et Andrzej Gosik.
L'aquarelle est mise en musique par Carlos Leon Salazar et Georges Artaud, meilleur artiste Français au concours international, partage son sens du détail. Guan Weixing également lauréat est en portfolio.
Le dossier nous fait découvrir 4 artistes espagnols. Terminons par des conseils techniques prodigués par Ng Woon Lam et le paysagiste Britannique Chris Robinson.
L'actualité
La 4e biennale de Saint-Cyr-sur-Mer
La municipalité varoise a invité cinq artistes à exposer du 19 avril au 14 juin 2015: Abe Toshiyuki (voir Ada 14), Yuko Nagayama, David Poxon, Janine Gallizia et Andrew Kish III (voir Ada 16 et plus bas dans la page).
J’exposerai une dizaine d’oeuvres de formats différents. Ce sera, après Narbonne en 2014, la deuxième fois que mes oeuvres seront montrées en France. J’ai le sentiment que, de manière générale, la culture ici est ouverte à toutes les formes d’expression et soutient les artistes. Je viendrai sans doute donner un stage vers la fin de l’exposition.
Page 7 Andrew Kish III
Le salon international de l'aquarelle du Haillan
Sis au bord de l’étang d’Arcachon, le Salon du Haillan est désormais devenu un parcours obligé de la saison aquarelle qui redémarre au printemps.
Il avait pour invités d'honneur Mustapha Ben Lahmar et Lélie Abadie, et s'est tenu du 17 avril au 3 mai 2015.
Retour sur le Masters of Watercolor qui s'est tenu en janvier dernier à Saint-Pétersbourg dans le grand hall d’exposition de l’Union des Artistes, en plein coeur de la ville. Cet évènement était organisé par 4 artistes : Elena Bazanova, Konstantin Sterkhov, Ilya Ibryaev et Sergey Temerev
L’exposition fut un grand succès.
Près de 8 000 personnes visitèrent l’exposition durant les neuf premiers jours et il nous fut demandé de prolonger – gratuitement – l’événement de deux semaines (ce qui n’était jamais arrivé auparavant dans ce lieu prestigieux !).
Témoignage de Konstantin Sterkhov

Découverte de la Société allemande de l’aquarelle. La DAG (Deutsche Aquarell Gesellschaft) a été fondée par Lars KRUSE il y a 3 ans et compte 170 membres. Ils organisent un festival du 1er au 22 mars 2015 à Bad Segeberg, Allemagne.
J’ai organisé une fois un atelier avec un aquarelliste néerlandais dans la magnifique ville de Worpswede. Il m’a demandé si l’Allemagne possédait une société d’aquarellistes. Je lui ai répondu que non et qu’elle restait encore à fonder.
D’autres stagiaires se sont alors proposés, et c’est ainsi que l’idée a germé. J’y ai réfléchi quelques jours puis j’ai écrit une lettre à mes amis artistes. Quelques mois plus tard, nous nous réunissions à Gerlingen et les bases de notre association étaient poséesPage 14 Lars KRUSE, DAG
Concours du magazine

Gagnant du 1er concours de l'Art de l'Aquarelle sur le thème 'Nature Morte', le Belge Daniel Hardyns a proposé une lumière sur l'évier, 28 x 42 cm. Le prochain concours a pour thème le paysage.
BONNE PEINTURE POUR LE BON CONCOURS
Pour savoir quelle est la meilleure peinture à présenter à un concours donné, il faut tout d’abord comprendre les exigences et le niveau du concours en question. Mais il faut aussi savoir quelles sont les tendances picturales à la mode dans ce pays au moment du concours, voire, selon certains observateurs, connaître les goûts des juges. Ces informations aident beaucoup. Une fois que vous estimez avoir trouvé un concours qui vous convient, prenez soin de bien lire son règlement. C’est primordial.
Révélations
L'américaine Sandra Strohschein, paysagiste.
Sa peinture est instinctive et impressionniste avec une technique relâchée que structurent de solides références artistiques.
Ma méthode est relativement simple : à la différence de beaucoup d’autres aquarellistes, je travaille souvent du sombre au clair.
Une méthode directe qui fonctionne bien notamment pour les études de plein air. En gros, je vais du haut vers le bas en préservant des rehauts de lumière à mesure que je progresse. Je n’utilise pas de liquide à masquer.
Travailler sur papier sec me permet de contrôler la direction du pigment. Ma feuille de papier me sert de palette, en ce sens que je laisse les pigments se mélanger et se mêler pendant que je mets en place mes formes avec de simples coups de pinceau. Si la situation l’exige, je peux oeuvrer du clair au foncé au moyen de trois simples lavis.
Je suis tout à fait à même d’employer différentes techniques pour produire les effets recherchés. Certains sujets ou situations requièrent une diversité de techniques et aussi la capacité de nager avec le courant. C’est ce que j’aime avec ce médium. Apprécier l’imprévu et l’incorporer dans la peinture. Mais en gros, chaque oeuvre met en oeuvre le processus suivant en 3 étapes : d’abord la mise en place des grandes formes et de la couleur locale, puis pose des formes moyennes en augmentant l’intensité du pigment, et enfin quelques passages à la brosse sèche pour donner plus d’importance à certaines zones.
P20 Sandra Strohschein
Le Coréen Shin Jong Sik qui peint des fleurs et des fruits.
Né à Séoul, Shin Jong Sik a étudié à Hong Kong et est diplômé des Beaux-Arts de Paris notamment. Il est l’auteur de deux ouvrages qui abordent les différentes techniques qu’il met en oeuvre : Technique Expressive & Application et The Display of Light.
Mon souhait est de produire une aquarelle qui purifie l’esprit, de manière à ce que les gens se sentent à l’aise lorsqu’ils regardent mes peintures.
Pour exprimer la lumière naturelle, vous devez créer un lien entre toutes les formes sombres sur la feuille, telles que les ombres et les silhouettes. La lumière est le cadeau que la nature nous a fait, à la fois le plus beau et le plus mystérieux. Elle est à l’origine de la vie sur terre. Je cherche à réinterpréter cette incroyable lumière sur la feuille.Je suis en toujours en quête de fleurs ou de fruits à peindre. Ce ne sont pas tant ces sujets qui m’intéressent, plutôt la façon dont ils réfléchissent la lumière. Tout est question de contrastes. Pour un contraste fort, je prends des couleurs plus riches et saturées ; une lumière forte, quant à elle, me permet de montrer les différences de texture, le lisse, le rugueux… Et à l’aide d’un dessin précis mais néanmoins subtil, je peux mieux attirer l’attention du spectateur.
Exprimer l’ombre des fleurs et des feuilles, c’est montrer la relation des fleurs entre elles, des feuilles entre elles et celle qui existe entre les fleurs et les feuilles. Cela permet aussi d’exprimer les petits et les grands espaces. Les ombres ont un rôle important à jouer dans l’espace et les dimensions.
P21 Shin Jong Sik
Enfin, pour texturiser les fonds de mes natures mortes, je pratique une technique d’impression qui consiste à tremper un tissu (une toile de jute traditionnelle coréenne) dans l’aquarelle, avant de la poser sur la feuille. En aplatissant le tissu avec un rouleau, l’aquarelle va laisser l’empreinte du motif du tissu sur la feuille.
Ma peinture préférée
Nouvelle rubrique : ici inaugurée par Andrew Kish III, sur une composition stigmatisant le consumérisme.
LE SUJET
Je pense que je suis parvenu à créer une image simple qui incorpore des émotions complexes. C’est toujours le défi quand on s’attaque à des problèmes sociaux.
Je pense que la plupart de ceux qui verront le tableau ressentiront de l’empathie pour le personnage et réfléchiront à la trame narrative. Le monologue intérieur du personnage est quelque chose de très important ici. J’essaye toujours de créer des images iconiques qui parlent au spectateur et j’ai le sentiment d’avoir réussi ici.
Mon ami Alan a très bien résumé cela en disant que le tableau avait un impact très profond, au-delà des mots ou de toute explication. On reconnaît tous le problème en voyant l’image.LE RÔLE DE LA LUMIÈRE
L’éclairage est très important pour la peinture. J’aime avoir une source de lumière unique, de manière à créer des ombres portées très fortes tout en isolant le sujet, et à donner à l’oeuvre une forme d’intimité séduisante. J’aime créer une impression de lumière qui soit un peu surréelle et hors de ce monde, cela permet d’élever la peinture à l’état de rêve, au-delà de la simple réalité.
Dans ce monde-ci, je peux repousser les frontières de la lumière, de la couleur et des contrastes tout en étant contraint par la représentation des objets.LE FOND SOMBRE
Les fonds sombres sont un choix esthétique récent. J’ai toujours admiré la lumière surréaliste dans les oeuvres du Caravage et le sentiment d’intimité qu’il a su créer avec un clair-obscur très fort. Visuellement, la couleur et les détails ressortent encore plus du fond sombre pour saisir l’attention du spectateur.
J’obtiens un noir neutre avec des mélanges à parts égales de rouge, de bleu et de brun. Si je veux le teinter, je vais insister sur une des couleurs. Par exemple, pour un noir plus froid, je vais ajouter plus de bleu et pour un noir plus chaud, plus de brun… en fonction de ce que la peinture demande. Andrew Kish III
Ma dernière peinture
Avec cette nouvelle rubrique, l'Art de l'Aquarelle nous livre les dernières peintures d'artistes déjà révélés dans des numéros précédents.
Pologne
2 artistes Polonais
Stanislaw Zoladz et Andrzej Gosik
La neige des paysages de Pologne, et la lumière de ses églises.
Stanislaw Zoladz
Peindre la neige
Stanislaw Zoladz habite la suède depuis 1978, et s'est distingué pour son habileté à peindre la neige. Suivons ses pas dans le grand entretien.
Il est né en Pologne en 1952, a étudié les arts graphiques et la peinture en 1972 à l’Académie des beaux-arts de Cracovie. Diplômé en 1978, il part pour la Suède où il adopte l’aquarelle comme médium principal.
Il expose régulièrement dans les pays scandinaves et à l’étranger. En 2000, il reçoit le deuxième prix au concours international Winsor & Newton’s, le « Millenium Painting Contest ».
Peindre en Scandinavie demande une certaine part d’innovation et c’est parfois un défi. Durant les six mois que dure l’hiver, il fait très froid et très sombre. À cette période, j’aime représenter les lumières de la ville la nuit… depuis le confort et la chaleur de mon atelier ! Plus tard, alors que la lumière revient, je me rends dans le nord de la Suède. Là, le paysage est baigné d’une lumière intense, réfléchie par la neige. !
C’est vraiment un panorama fabuleux qui, à mon avis, ne peut être bien retranscrit qu’à l’aquarelle : elle seule est capable de rendre l’atmosphère, la lumière et l’effervescence du moment. C’est un moment parfait pour tirer parti du blanc du papier. Dans ces températures glaciales, je travaille dans ma voiture, sur de petits formats 28 x 38 cm. Ce que je ne peux pas attraper depuis ma voiture, je le saisis avec mon appareil photo. Des vêtements chauds et du café sont bien sûr indispensables
La neige est à la fois quelque chose de magnifique, de difficile à peindre et de stimulant. Il faut beaucoup de pratique, de préférence sur le motif. La neige est presque impossible à photographier, car la sensibilité des appareils photo est bien souvent insuffisante pour restituer toutes les variations de lumière et de couleur. Il faut s’entraîner à peindre de manière légère et fluide et ne pas hésiter à expérimenter.
Très souvent, le papier vierge de toute peinture est une option viable. Une des erreurs les plus courantes est de peindre la neige de manière trop claire, avec trop peu d’ombres, ce qui a pour effet de lui faire perdre sa douceur. Et le blanc de la neige doit également être mis en rapport avec les autres éléments, tels que les maisons et les forêts. Cette grande disparité de contrastes doit être gérée de manière habile.
Page 26 Stanislaw Zoladz
Une bonne peinture se doit de posséder trois éléments importants : un premier plan, un sujet principal et un arrière-plan. Ces trois éléments doivent interagir de manière harmonieuse ou dramatique afin de donner du mouvement et du dynamisme à votre peinture. Évidemment, un beau paysage peut ne pas posséder ces trois éléments, aussi ne fait-il pas toujours un tableau intéressant. Mais c’est quelque chose de très subjectif.
Le sujet que je choisis de peindre n’est pour moi qu’un prétexte. Ce n’est pas ce que je peins qui compte, mais la manière dont je le peins : c’est l’interprétation, l’interaction, la relation émotionnelle que j’éprouve avec ce que j’ai en face de moi.
Des sujets intéressants créent l’envie de les représenter et c’est là que les idées germent. Je pense que c’est ça, l’inspiration. Aussi, avant de peindre, j’ai des idées quant à la manière dont je vais attaquer mon sujet, une stratégie, en somme. J’ai à ma disposition une sélection d’outils subtils.
Les zones fluides et calmes doivent s’opposer aux formes anguleuses et plus précises. Les détails doivent être ordonnés en fonction de leur priorité et les plus importants accentués, tandis que les autres ne doivent être que suggérés. Tout cela, je l’appelle la chorégraphie de l’image : l’utilisation consciente d’outils au service de l’expression et de l’atmosphère.
Les couleurs et mélanges de couleurs utilisés pour représenter la neige ?
Il s’agit d’une question complexe. La neige se décline bien souvent en nuances de gris, qui varient en température du chaud vers le froid. Tout est question de lumière, également ; sa force, sa température et son caractère.
En général je n'utilise que de l'aquarelle transparente mais lorsque je cherche à rendre certains effets, j’utilise de la gouache. Le blanc permanent est plus transparent, tandis que le blanc de zinc est plus couvrant. Mais son utilisation est quelque chose de complexe qui requiert beaucoup de pratique.
Chemin sous la neige
En réalité, je suis à la recherche de la lumière, ou, encore plus intéressant selon moi, de l'absence de lumière. Je suis inspiré par ce que je vois et par ce qui m'entoure.
1
Je commence par mouiller ma feuille de papier Arches 300 grammes (format 28 x 38 cm) avant de la laisser sécher vingt minutes et de la fixer sur une planche en bois. J’ai déjà ma composition en tête. À l’aide d’un crayon HB, j’esquisse les éléments clés : les traces de roue sur le chemin, la neige, la maison et la chaîne de montagnes à l’arrière-plan.
2
Je débute avec les nuages, mouillé sur mouillé. À l’aide du lavis suivant, je représente le ciel bleu et les montagnes et je m’assure que les deux se fondent l’un dans l’autre. Je mouille à nouveau la partie inférieure de la feuille avant de passer un léger lavis pour donner forme aux congères. Une première base chaude me permet de figurer les parties où la neige fondue rencontre la route de terre. La route elle-même est difficile à représenter car elle doit paraître trempée ; elle comporte des sillons et elle réfléchit à la fois la lumière du soleil et le ciel bleu. J’ai utilisé pour ce faire un mélange de sépia et de teinte ombre neutre (aquarelle russe).
3
J’ajoute les premiers détails, sur la gauche de ma composition. J’essaie avant tout de rester léger. Je poursuis en donnant plus de définition aux congères, à l’aide d’ombres bleu-gris. Je prends les couleurs suivantes : bleu outremer, noir d’ivoire et un peu de carmin d’alizarine. La partie en pleine lumière se situe dans le coin inférieur droit. J’y ajoute avec parcimonie quelques détails chauds, avec de l’ocre brun et de la teinte neutre.
4
Le toit de la maison a beau être noir, ici il reflète le ciel bleu ; aussi je mélange du noir d’ivoire avec du bleu Winsor (teinte rouge). La façade de la maison est gris clair et dans l’ombre ; elle garde néanmoins des teintes à la fois chaudes (dans la partie supérieure) et froides (dans la moitié inférieure). Le côté de la maison est dans des tons bleus avec une teinte plus chaude dans la partie sous le toit. Les lumières reflètent celle, à la fois puissante et chaleureuse, du soleil. J’ajoute quelques détails tels que la grange, les buissons et les arbres.
5
J’ajoute des ombres sur les toits de la maison et de la grange à droite. Les détails dans les fenêtres et sur la neige sale sont bien évidents et offrent un contraste heureux avec le blanc de la neige. Je fais attention à bien équilibrer les ombres sur la maison et le toit de la véranda, les portant parfois à saturation maximale. Cela me permet, par contraste, de montrer la lumière réfléchie sur la façade.
6
J’apporte quelques derniers ajustements sur le chemin, la maison et les congères. Mon ambition avec cette aquarelle était de montrer un sujet hivernal, baigné de lumière avec une maison solitaire inscrite dans un paysage magnifique.
Andrzej Gosik
Et la lumière fut !
Architecte de formation, il met en lumière les bâtiments de sa Pologne natale.
Diplômé de la Faculté d’architecture en 1987, université de Technologie de Varsovie, il est enuite diplômé de la Faculté des Arts graphiques à Varsovie.
En 2000, son badge « 1 000 ans de Wrocław » a été reconnu par les philatélistes comme le plus beau timbre de l’année.
En 2007 Remporte le troisième prix du concours du magazine International Artist n° 40.
Andrzej Gosik est peintre, illustrateur, graphiste et pratique également l’huile et l’acrylique.
SON ACTUALITÉ
- Sortie d’un ouvrage figurant certaines de ses oeuvres, International Watercolor Artists, Book 2, par Coralee Burch.
- Participera à l’International Watercolour Workshops and Exhibition à Kazimierz Dolny, organisé par l’Association of Polish Watercolour Artists, du 11 avril au 14 juin 2015
Les études d’architecture ont une grande influence sur la manière dont on observe la nature d’un point de vue artistique. Certains peuvent voir cela comme un obstacle, d’autres comme quelque chose qui peut aider à développer son potentiel créatif. Personnellement, cela m’aide à peindre des aquarelles.
Imaginer un espace, le rendre crédible, la connaissance des règles de la perspective et un dessin bien maîtrisé sont autant de cordes à mon arc. Pour moi, le choix de sujets architecturaux est quelque chose de naturel et je suis à l’aise pour les peindre.
Je dois admettre que l’évolution de ma peinture a été significative. Mes premières oeuvres avaient des couleurs moins intenses. Cela était dû à ma crainte de ne pas me lâcher. Mes compositions étaient également moins abouties quant à la distribution de la lumière. Aujourd’hui, je suis en mesure de prédire le résultat final… mais heureusement pas à 100 % !
Il arrive que je trouve certaines de mes aquarelles très réussies, d’autres simplement bonnes et d’autres encore insatisfaisantes. Le grand avantage de l’aquarelle est que, quelle que soit notre connaissance plus ou moins avancée de la technique, il reste toujours une part, liée à notre émotion ou notre humeur, qui décidera du résultat final.
L’aquarelle met en valeur la façon dont notre cerveau fonctionne. En se concentrant sur le point fort de la composition, le reste prend moins d’importance. Tous les détails secondaires, c’est-à-dire que l’on ne perçoit pas au premier regard, doivent être présents mais de manière simplifiée, à la limite de l’abstraction. Le maître en la matière est Joseph Zbukvic, qui arrive à réfléchir à ces espaces de manière totalement abstraite tout en étant capable, en même temps, de faire en sorte que son tableau demeure réaliste, comme s’il y avait des morceaux de réalité à l’intérieur.
Page 44Andrzej Gosik
L'aquarelle en Pologne
L’aquarelle devient de plus en plus populaire en Pologne. Le nombre de personnes qui peignent ne cesse de grandir, même chez les néophytes qui n’ont jamais tenu un pinceau de leur vie. Mais c’est une technique qui n’est pas très populaire chez les clients des galeries d’art ! Il existe toujours en Pologne une grande prédominance de la peinture à l’huile. Une des raisons est que l’aquarelle est absente dans les écoles d’art. Par chance, elle faisait partie de mon cursus à la faculté d’architecture de l’université technologique de Varsovie.
C’est la raison pour laquelle la majorité des aquarellistes polonais sont également architectes de formation. L’aquarelle est avant tout utilisée pour des travaux d’illustration : lorsque j’ai été invité à concevoir 100 timbres postaux, je m’en suis servi. La Société polonaise d’aquarelle a quant à elle été fondée il y a quatre ans. Son but est de rassembler les amateurs, de montrer ses possibilités et enfin de la rendre la plus populaire possible en Pologne. Un des autres buts consiste à motiver les artistes à se dépasser, à améliorer leur technique.
Basilique Sainte-Marie, Cracovie, 52 x 35 cm
De grands lavis transparents permettent de rapidement mettre en place la composition. Ils sont essentiels pour donner une impulsion vitale au tableau. Un lavis même très légèrement coloré atténue les points de lumière inutiles et réduit les contrastes. Il est très important que dans une aquarelle le point focal résonne avec la plus grande force possible
1
Tout commence par un dessin au crayon. Cela me permet de définir le centre de ma composition. À l’aide de gomme à masquer (Winsor & Newton), je réserve les blancs aux endroits où la lumière sera la plus forte, notamment au centre de la perspective.
2
Je commence par le fond sur lequel j’applique de généreux lavis. Le point focal sera le presbytère inondé de lumière. Les couleurs à cet endroit devront être très délicates. Je garde en tête que le rôle du premier plan est d’amener le regard en direction de cet espace intérieur lumineux.
3
Je sature en couleurs la partie supérieure gauche de l’image et construis la partie supérieure du choeur, encadrée d’arches. Je laisse la couleur descendre sur le mur de droite. Ainsi, je pourrais guider le regard vers la partie basse du choeur, remplie d’air et de lumière.
5
Sur le côté droit, je ferme ma composition en saturant de détails la chaire. Je poursuis l’ajout de détails dans la moitié inférieure. J’utilise des tons très doux, afin de rendre une impression de dessin très élaboré. J’ajoute enfin des détails dans la partie gauche de l’autel.
6
Je ferme la moitié inférieure du choeur à l’aide d’un dessin fin et de couleurs saturées. Je dessine délicatement, mais avec une couleur forte, le chandelier. J’enlève progressivement la gomme à masquer. Si on ne l’enlève qu’à la fin, on obtient des zones artificielles.
7
Je termine ma peinture dans les parties gauches et droites, en ajoutant des détails. J’éteins également quelques lumières inutiles dans les détails du pupitre.
C.L Salazar
Carlos Leon Salazar

Le Vénézuélien Carlos Leon Salazar accorde ses passions pour le Jazz et l'aquarelle. Peintre de nus reconnu, il explique son abord pour ses aquarelles musicales.
Né à Caracas au Venezuela en 1968. Après des années de peinture comme autodidacte, Carlos Leon Salazar prend conscience que l’aquarelle est la technique qui lui correspond le mieux. Il a participé à de nombreux événements internationaux au Venezuela, au Mexique, en Colombie, en Espagne, en France et en Chine. Ses aquarelles font partie de nombreuses collections privées, et l’une d’elles figure dans la collection du Musée national d’aquarelle de Mexico « Alfredo Guati Rojo ». Il réside à Madrid, où il enseigne l’aquarelle et le dessin.
Pour moi, la musique est une expérience totale. Elle vous permet de ressentir les choses de manière plus intense ; elle vous remplit, mais en même temps, elle est évanescente.
Page 34 Carlos Leon Salazar
J’ai étudié la musique et c’est une partie importante de ma vie de tous les jours. Si j’écoute Round Midnight de Thelonius Monk, un musicien que j’admire, je cherche une image de lui à regarder en même temps. Peut-être qu’en peignant, je cherche à représenter sur un plan visuel toutes ces sensations de manière plus durable.
Généralement, j’essaie de saisir un instantané, un moment du continuum espace-temps, si on peut l’appeler ainsi, au sein duquel sont réunis tous ces éléments : le musicien, l’instrument, la performance musicale et l’énergie qui s’en dégage. C’est toujours mieux quand il y a un lien fort entre le peintre et son sujet, et ce quel que soit le sujet, parce qu’à la fin, cela se voit. Je suppose que le fait que les émotions, le caractère et l’humeur de l’artiste se voient dans ses oeuvres vient en partie du fait de la connexion entre le peintre et son sujet. Ce n’est pas nécessairement quelque chose qui se fait consciemment, mais c’est avant tout une conséquence. C’est toujours merveilleux de voir des enfants dessiner ou peindre leur sujet préféré, à leur façon à eux.
Ils sont toujours très concentrés, très passionnés. C’est quelque chose que l’on retrouve chez les adultes dans la musique : vous devez ressentir la musique si vous voulez bien l’interpréter, ou même si vous voulez danser dessus.
Vous devez avoir conscience de ce que vous allez entreprendre. Sinon, ce sera plat et sans relief.
Sur un air de jazz
Cette oeuvre est basée sur une photo de Dizzy GILLESPIE : je l'ai nommée BIRK’ WORK, en hommage à l'uns de ses chansons.
J'ai utilisé du papier Arches 300 G, 76 X 56 cm, et les couleurs WINSOR & NEWTON.
1
Après avoir tracé mon dessin, je pose de la gomme à masquer autour des lunettes et de la trompette. Une fois le papier sec, et à l’aide de lavis de rouge de cadmium, bleu de cobalt et terre de Sienne brûlée, j’ai pu trouver la bonne tonalité pour le cou et l’oreille, là où la lumière est directe.
2
Je me sers des mêmes couleurs pour le reste du visage afin d’obtenir le ton de base des chairs. Je peins délicatement les zones les plus lumineuses tout en appliquant deux lavis de jaune de cadmium sur l’embouchure de la trompette.
3
Après avoir laissé sécher ma feuille, je commence à peindre les ombres qui recouvrent la plus grande partie du visage afin de ne suggérer que quelques traits. De même, je continue avec les mains et la partie inférieure de la trompette, en les peignant comme s’il s’agissait d’une seule forme et laissant les lavis de couleurs se mélanger. Je laisse sécher avant d’ajouter quelques détails, sans trop chercher la précision.
4
Je me concentre ensuite sur la partie supérieure de la trompette en appliquant, sur la feuille sèche, jaune de cadmium, orange de cadmium, ocre jaune et bleu de cobalt, que je laisse se mélanger. Je mouille les bordures de la feuille afin de laisser fuser la peinture et de donner un sentiment de mouvement et d’irrégularité.
G Artaud

Georges Artaud, le sens du détail
HUMBLE ET DISCRET, CET ARTISTE POSSÈDE UNE TECHNIQUE SOLIDE, AU SERVICE D’UNE AQUARELLE LUMINEUSE. UNE OEUVRE MINUTIEUSE JUSTEMENT RÉCOMPENSÉE.
C’est avec une extrême rigueur que Georges Artaud choisit ses sujets avant de se lancer dans leur représentation à l’aquarelle. Une rigueur qui se manifeste dans ses peintures à la fois minutieuses et pleines de lumière. Donner vie à un sujet et le rendre en peinture avec le même souffle que celui que l’on a ressenti en le voyant. Tel pourrait ainsi être le credo de Georges Artaud, qui nous a reçus dans son atelier au Mans.
Je pense que mon parcours est relativement linéaire : très tôt j’ai appris le dessin avec un excellent professeur avant d’entrer aux Beaux-Arts de Bourges où j’ai approfondi mes connaissances. J’ai poursuivi mon travail dans la publicité durant une trentaine d’années, où j’ai été directeur artistique, graphiste et illustrateur. Et en 2000 je suis revenu à mon premier amour : la peinture. D’abord l’huile, le pastel sec et l’aquarelle. J’ai dû apprendre seul toutes ces techniques ; cela m’a permis de développer le style que j’ai actuellement. Je suis en quelque sorte autodidacte. Avec beaucoup de travail et de persévérance, j’en suis arrivé là où j’en suis.
Une oeuvre ambitieuse et complexe, telle que les Rochers, par exemple, m’a demandée entre trois et quatre semaines de travail. Je ne veux pas commencer une aquarelle et puis perdre mon allant et ma motivation au fur et à mesure. C’est pour cela que je travaille trois heures le matin. Dès que je ressens de la fatigue, ou que je sens que mon esprit et mon attention se relâchent, j’arrête. Mon aquarelle doit avoir la même intensité de bout en bout et le même souci du détail.Page 36 Georges Artaud
Les Rochers
« Le sujet de ce tableau n’est pas si différent de ma production habituelle : on y retrouve les mêmes préoccupations, et la composition et surtout la façon de peindre sont identiques. Les éléments sont les mêmes : la pierre, l’eau et la transparence.
Au moment où je prends ma photo, j’ai déjà résolu ma composition. Je sais, de par le métier d’illustrateur que j’ai exercé, comment cadrer mon sujet. En général, je ne recadre pas mes images par la suite : ma composition est déjà établie au moment où j’appuie sur le déclencheur de mon appareil.
Je retravaille parfois mes clichés. Notamment si je souhaite une définition plus importante, je fais plusieurs prises de vue avec des valeurs différentes (certains clichés sont surexposés, d’autres sous-exposés par exemple) et puis je passe un filtre HDR. Cela permet de déboucher les ombres tout en ayant des lumières non blanches et possédant plus de détails.»
Démo La barge à Saint-Malo
LORS D’UNE PROMENADE SUR LE PORT DE SAINT-MALO, JE SUIS TOMBÉ NEZ À NEZ AVEC CETTE BARGE, SURMONTÉE D’UNE ÉNORME GRUE SUR CHENILLE. CE QUI M’A PLU ICI C’EST CETTE IMPRESSION DE FORCE, CETTE MASSE DE FERRAILLE ROUILLÉE, CABOSSÉE, LA PEINTURE ÉCAILLÉE, MARQUE DES INTEMPÉRIES ET DU TEMPS PASSÉ EN MER.
1
La mise en oeuvre de cette aquarelle commence par le choix du papier, un Artistico de Fabriano, 600 g. Après l’avoir tendu sur une planche de contreplaqué, j’exécute un dessin très précis des cordages, des lourdes chaînes des pneus des chenilles et de tous les reflets.
2
Le choix du cadrage a été très important. Après avoir hésité sur ce que je souhaitais montrer, j’ai pris la décision de cadrer uniquement le bas de la grue. Par-dessus tout, il y a tous ces reflets sur l’eau, sujet qui me semble très intéressant.
3
Comme à mon habitude, je commence la mise en couleur par l’endroit le plus compliqué et monte progressivement en tonalité. Les reflets de l’eau, le côté rouillé et cabossé de la barge, les traces de peinture sont un joli défi. Avec l’aquarelle et un peu d’eau, il est possible de montrer toutes sortes de matières-lumières.
4
Je poursuis en montant la plate-forme de la grue, sur laquelle se trouvent plusieurs éléments et outils que je décline avec une variété de verts et de bruns. La difficulté ici réside dans le rendu des détails, qui doivent rester lisibles tout en s’harmonisant à l’ensemble.
5
Il faut lutter contre ce blanc omniprésent et envisager l’aquarelle telle qu’elle sera une fois terminée et non pas comme elle est. Je n’utilise pas de gomme à masquer : je trouve les lumières trop dures, aussi je dois toujours être vigilant et réserver mes lumières, ce qui requiert une grande attention.
6
Lorsque tout est terminé, je déclare mon tableau fini. Je ne passe pas de lavis final pour tout unifier. Je travaille à l’aide de deux pinceaux, un gros pinceau à lavis et un pinceau en martre n° 4. L’aquarelle apparaît progressivement sur mon support. Il est très important de bien évaluer valeurs et couleurs dès le départ.
G Weixing
2e prix du concours international,
le portfolio de Guan Weixing
Un portrait est ce qu'il y a de plus beau à peindre.
RÉCOMPENSÉ PAR LE 2E PRIX DU CONCOURS MONDIAL DE L’AQUARELLE (VOIR ADA NOS 22 ET 23), GUAN WEIXING EST UN VÉRITABLE ORFÈVRE QUAND IL S’AGIT DE RETRANSCRIRE L’ÉMOTION QU’IL RESSENT FACE À SON MODÈLE. VOICI L’OEUVRE QUI L’A FAIT GAGNER, AINSI QUE DE NOMBREUSES TOILES INÉDITES.
Né en 1940, il est peintre dans l'armée à partir de 1962. En 1996 ce peintre Chinois est officiellement désigné par le ministère de la Culture chinois comme l’un des maîtres de l’aquarelle en Chine ; à ce titre, il est convié à une exposition des meilleurs aquarellistes à Tunis.
Tout dans la nature est beau… et une invitation à peindre pour les artistes. Ceci dit, les personnes sont ce qu’il y a de plus beau à peindre.
Durant mes études, je me suis concentré sur la peinture à l’huile et le portrait en particulier, avant de passer à l’aquarelle, dont les difficultés m’interpellaient. Je suis toujours adepte de ce genre, parce que je pense qu’il est le plus à même d’exprimer les émotions intérieures du peintre.
Je ressens toujours la même excitation devant un portrait plein de vie.Page 57 Guan Weixing
Très peu de mes modèles sont des amis ou des proches, car leur image est profondément ancrée en moi, ce qui peut perturber mon processus créatif. Travailler avec de parfaits inconnus me donne plus de flexibilité dans mon approche. De plus, le rendu dépend des origines ethniques et sociales de mes modèles… et partir à leur découverte me permet de mieux comprendre et apprécier la vie.
J’aime les modèles avec un visage très typique, comme par exemple des paysans, des pêcheurs, des acteurs, des docteurs, ce genre de personnes… J’aime bien le visage des gens du Nord, des hommes en particulier, tandis que j’apprécie le visage des femmes du sud de la Chine, aux traits à la fois doux et magnifiques. Tout cela est dû, je pense, aux différents climats et contextes.
Pour mes portraits, j’utilise de la terre de Sienne brûlée et du vert émeraude. La terre de Sienne brûlée fonctionne pour la peau claire, tandis que la peau foncée nécessite plus de couleurs. Le vert émeraude est employé pour ajuster les tonalités chaudes ou froides de la peau. Cézanne, par exemple, avait tendance à procéder ainsi, tandis que Renoir utilisait du bleu.
Mon maître suivait le chemin de Cézanne, aussi l’ai-je suivi moi aussi. En fait, les artistes ont la liberté de choisir ce qu’ils veulent. Tout dépend de leur personnalité.
Il y a eu des hauts et des bas dans ma carrière. Ça, et l’énergie que je mets dans mon travail définit ce que je suis aujourd’hui. En ce qui concerne l’avenir, je suis honnête avec moi-même, je sais qu’il ne me reste pas beaucoup de temps, mais je suivrai le chemin jusqu’au bout. Je me sens toujours autant attiré par mes sujets et jusqu’à la fin, j’essaierai de les magnifier dans mes peintures.
J’exploite la technique de l’aquarelle à son maximum, aussi je n’ai pas recours à de techniques hétérodoxes. Seul le langage de l’aquarelle pure permet de révéler les beautés et les charmes de mes sujets. Je n’utilise pas non plus de couleurs opaques, uniquement des teintes transparentes. Certains détails blancs sont réservés, avant d’être peints par des lavis toujours transparents.
L'improvisation est quelque chose que les artistes qui ont de l’expérience rencontrent fréquemment, et cela donne plus de vivacité à leur touche. Et que vous arriviez à saisir cette opportunité dépend en fait de votre rapidité d’esprit.
Wrestler from Inner Mongolia,2007
76 x 56 cm
Eban

Eban
Le corps et l'esprit
Il a vraiment changé mon expression car je peux désormais peindre de plus grands formats. Je peignais principalement sur du 50 x 60 cm, mais je m’y sentais coincé. Pour moi, le cheminement d’un peintre est de tenter de se dépasser, d’aller vers le plus grand que soi, et il est donc normal que le choix du format suive. J’ai besoin d’oxygène, de faire circuler l’air dans la peinture.
Page 58 Eban
Une nécessaire période de réflexion pour arriver à maturité. Par une sorte de pudeur qui vient avec l’humilité, Eban se dévoile progressivement. Sur son histoire personnelle, son déracinement depuis son Vietnam natal, la découverte de la France à l’âge de cinq ans, il s’épanche assez peu. Non pas qu’il l’occulte, bien au contraire, mais Eban sait désormais – comme tous les artistes qui se lancent à corps perdu dans leur art avec une sincérité profonde et entière – que sa peinture est un double, le reflet de sa nature profonde. De ses aspirations, ses doutes, ses humeurs, ses forces et ses faiblesses. « Les couleurs disent ce que les mots figent » affirme-t-il en poète aussi habile à jouer avec les mots qu’avec les pinceaux.
Printemps. 2014, 100 x 100 cm.
Je suis sans doute un artiste à la fois naïf et sentimental. Naïf par le fait de ne pas avoir d’éducation artistique. Et sentimental de par mon passé, celui de l’enfant chassé du Vietnam à cause de la guerre, et les changements apportés par Mai 68, là où le monde était en train de basculer. Mes pères ont été Van Gogh et Gauguin. Le premier était tortueux dans son cheminement, tandis que le second était plus onirique. Je me sens proche des deux.
Si Eban affiche désormais une forme de sérénité, c’est, comme il le dit lui-même, qu’il sort d’une période de recherche. Les multitudes de carnets, feuilles et toiles amoncelées dans son atelier sont là pour en témoigner.
« Des recherches de matières, surtout. Pourtant, quand je regarde en arrière ce que j’ai pu faire au fil de ces dernières années, je vois une certaine continuité. Avant, j’étais plus monochrome. Je peignais de manière plus traditionnelle. »
Ses aquarelles ont-elles été une forme de thérapie personnelle ?
« J’avais le sentiment auparavant de ne pas être arrivé à maturité. Pendant deux ans, j’ai essayé de trouver une autre ligne de conduite par rapport à ma peinture. J’éprouvais une sensation de trop-plein et un déclic m’a poussé à faire autre chose… à partir en recherche, en réflexion – ce que j’ai appelé ma période noire. Jusqu’à maintenant. »
Une aquarelle lui demande habituellement entre une et deux semaines de travail même si, comme Eban le précise, « tout doit aller vite. Peindre se fait dans l’urgence ». Le temps de séchage a son importance :
C’est un moment où je peux voir ce qu’il faut retirer ou, au contraire, ce qu’il faut ajouter. Je travaille par superpositions et je pars toujours un peu plus clair. Je donne une ligne de conduite : du rouge de Chine pour l’été, par exemple. Je vais ensuite voir quelle couleur je peux combiner avec. Et ainsi de suite. Une couleur en entraîne une autre. Un mélange de vert émeraude avec du blanc me donne une couleur chantante qui se distingue des autres. C’est le résultat qui est intéressant. La peinture me montre une chose autre que ce que j’avais en tête.
Mes outils
Pour travailler mes fonds, j’utilise un grand spalter. Les outils sont là pour laisser des traces dans un second temps, presque comme une forme de calligraphie. La plume dépose des traits légers dans l’humide et le calame sert à tracer des lignes noires, des lignes de force qui viennent soutenir la peinture. Un simple trait me permet de déterminer ce que je veux faire. Là réside tout l’intérêt de la recherche picturale.
Démo figurative
VOICI LA PREMIÈRE FACETTE DE MON TRAVAIL, UN PEU PLUS NAÏF PEUT-ÊTRE, EN TOUT CAS BEAUCOUP PLUS FIGURATIF, QUE JE MÈNE EN PARALLÈLE À MA PEINTURE PLUS ABSTRAITE.
1
Je commence par un lavis avec lequel j’obtiens des effets de dégradé. Je peins par des glacis très fins et très lisses, à l’aide d’un spalter Léonard très souple, sur une feuille de papier Centenaire. Après avoir passé mes lavis de fond, je laisse ma peinture sécher le temps nécessaire.
2
Vient ensuite le geste, à l’encre de Chine, c’est-à-dire un tracé qui me permet de sentir le mouvement dans mon aquarelle. Je module ma touche comme un pianiste sur son clavier.
D.G Steele
Darryl Glenn Steele
Expressif comme un oiseau
TOUT A COMMENCÉ APRÈS QU’IL A ÉTÉ MIS À LA PORTE DE SA PROPRE MAISON PAR UN COUPLE D’OISEAUX.
DÉPITÉ, L’ARTISTE EN A TIRÉ UNE SÉRIE METTANT EN SCÈNE DES « CRÉATURES PERTURBÉES », EN PROIE À LEURS ÉMOTIONS.
AVEC PAS MOINS DE 4 TECHNIQUES DIFFÉRENTES À LA CLÉ.
La première fois que j’ai peint des oiseaux, c’était à l’école. Notre mascotte était un geai bleu, et je fus désigné pour le reproduire sur le sol du gymnase. Si je ne me rappelle plus aujourd’hui à quoi ressemblait cette peinture, ma mère en possède toujours l’esquisse préliminaire.
Inutile de dire que mes oeuvres d’oiseaux ont beaucoup évolué depuis ! En fait, je suis connu plutôt pour mes tableaux de paysages, mais peindre des oiseaux a toujours été un plaisir pour moi. La dernière fois que je m’y suis attelé, c’était au printemps de l’année dernière, quand je me suis rendu dans ma petite cabane, dans les bois de l’État du Colorado.
Rien que de très modeste, deux pièces, une seule prise de courant, des toilettes extérieures ; une sorte de petite grange ouverte sur la nature, avec sa grande porte et sa large fenêtre. Dès mon arrivée là-bas, un couple de troglodytes familiers s’est établi dans une des pièces. La plupart du temps, ils allaient et venaient sans que je remarque leur présence. Puis, un matin, ils me réveillèrent en faisant un raffut de tous les diables, et ils ne me laissèrent pas en paix jusqu’à ce que je me lève et que je sorte de la cabane. J’ai alors réalisé que leurs oeufs venaient d’éclore. De ce moment-là et jusqu’à ce que les oisillons quittent le nid, ces petits troglodytes s’employèrent à rendre ma vie infernale.
DES ÉMOTIONS ET RIEN D’AUTRE
C’est après cette « mésaventure » que je me suis replongé dans la peinture d’oiseaux, mais, du coup, loin de montrer, comme on s’y attendrait, d’adorables petits animaux, mes oeuvres dépeignent des créatures quelque peu « perturbées ».
L’un de mes clients les a même trouvés un tantinet souffreteux et m’a demandé ce que je leur faisais subir. J’ai alors répondu : « Pense plutôt à ce qu’ils m’ont fait, à moi ! » Et c’est ainsi que cette série a démarré. J’ai choisi de me concentrer sur leurs émotions, et même si un ornithologue vous dirait qu’ils en sont dépourvus, en un sens je ne suis pas d’accord. L’angle que j’ai choisi est de mettre en valeur leurs émotions à travers leur posture et leur expression. À part les animaux eux-mêmes, j’inclus rarement quoi que ce soit d’autres dans mes oeuvres.
C’est pourquoi elles possèdent ce côté inachevé. Car une fois que j’ai traduit leurs émotions, j’estime que la peinture est terminée.
Ces peintures d’oiseaux, tout comme le reste de mon travail, ont toujours été influencées par d’autres artistes comme Ray Harris Ching, Guy Coheleach, et bien sûr Jean-Jacques Audubon. Mais contrairement à ces maîtres du genre, je n’ai jamais articulé mon oeuvre autour de la ressemblance scientifique. Je ne compte pas le nombre de plumes, par exemple, et mes oiseaux ne représentent pas une espèce spécifique, mais ils sont plutôt une combinaison des traits d’espèces différentes.Page 62 Darryl Glenn Steele
DE L’HUILE À L’AQUARELLE, POUR LES MÊMES EFFETS
Mon support de prédilection est le Strathmore 400 medium surface. J’en ai expérimenté beaucoup au fil des années mais jamais je n’en ai trouvé d’aussi réceptifs au crayon, d’aussi solides pour supporter les gommages et d’aussi épais pour accepter des passages à l’aquarelle ou à l’acrylique.
Car il y a vingt ans, je peignais encore à l’huile, que j’ai remplacée par l’aquarelle parce que j’étais bien trop impatient pour respecter les temps de séchage. J’ai alors travaillé à l’aquarelle comme je le faisais à l’huile, du foncé vers le clair, en utilisant de la gouache blanche pour peindre mes blancs. Mais cette méthode aussi avait ses limites.
Par exemple, la texture et les couleurs vibrantes de l’huile me manquaient ; alors j’ai passé de nombreuses années à expérimenter différentes manières d’utiliser l’aquarelle pour parvenir aux mêmes effets… J’adore dessiner.
D’ailleurs, j’estime que je suis bien meilleur dessinateur que peintre ! Et puis, un bon dessin est la base d’une bonne peinture. Et comme j’aime la couleur, j’ai trouvé un moyen de combiner les deux.
Démo 4 techniques au service d’une oeuvre
1
En général, je ne travaille pas d’après photo mais plutôt de mémoire ; après de longues séances d’observation, je me lance dans la réalisation d’esquisses, me concentrant sur la pose de l’oiseau et son comportement, prenant des notes sur ses couleurs et ses signes distinctifs. Mes oeuvres débutent toujours par des dessins au crayon.
2
J’ai choisi ici un papier Fabriano 300 g satiné. que je colore avec un mélange de terre de Sienne brûlée et de sépia. Je laisse sécher avant d’appliquer un fin lavis de bleu de Chine à l’acrylique liquide. Je commence le dessin, en me focalisant sur la pose de l’oiseau.
3
Une fois satisfait du dessin, je vaporise ma feuille avec du fixatif Krylon mat. Je laisse sécher, puis je pose les premières couleurs, en commençant par la tête, avec de la terre de Sienne brûlée et de la sépia (aquarelle) et de la gouache blanche. Je fabrique un noir (sépia et bleu outremer). Je reviens sur le détail des plumes et des petites lignes de la tête avec un crayon mécanique.
5
Je reviens sur l’oiseau avec une brosse plate pour traduire les grandes plumes de l’aile, en suivant les lignes naturelles des plumes. Je continue à travailler l’oiseau, alternant aquarelle, gouache, et crayon.
6
L’oeuvre au terme d’une première journée de peinture. À ce stade, j’apprécie le fond tel qu’il est. En revanche, je dois parachever le travail sur l’aile et les griffes de l’oiseau.
7
Finalement, comme le dessin original ne me satisfaisait plus – trop rigide –, j’ai vaporisé toute ma feuille de fixatif Krylon et appliqué un lavis orange. Puisje me suis employé à redessiner l’oiseau au crayon et à l’aquarelle. J’ai utilisé de la gouache blanche sur les parties les plus claires et les rehauts lumineux. Puis de l’acrylique couleur bleu de Chine pour rependre le fond. Et voilà le résultat après 28 heures de travail !
A Song for Spring.
71 x 32 cm.
Espagne
Espagne
une vision singulière de l'aquarelle
Dans le dossier, AdA nous fait traverser les Pyrénées pour découvrir 4 artistes qui renouvellent le genre de Pedro Cano avec bonheur. Scènes urbaines, natures mortes, paysages, portraits : découvrez leur univers.

Patricia Castelao
Patricia Castelao aime peindre dans la spontanéité, pour révéler toute la vérité des êtres.
J’aime le réalisme non pas seulement comme style mais aussi comme thème. L’observation comporte un côté passif (vous devez laisser les choses se passer), suivi d’une phase active où vous devez prendre en compte tout ce qui se déroule sous vos yeux. Dans ce sens, je me sens très proche des carnettistes et des peintres voyageurs. De la même façon que j’aime observer le monde pour arriver à mes propres conclusions, j’aime l’idée qu’il appartient au spectateur de décider ce qu’il doit ressentir lorsqu’il contemple une peinture.
Page 70 Patricia Castelao
Cela rend la communication à travers l’art beaucoup plus intéressante pour l’artiste.
LE CHOIX DES MODÈLES
Il y a un petit peu de tout : des amis et des membres de ma famille ont posé pour moi, la plupart pour des séances d’après modèle vivant. Mais j’aime beaucoup sortir prendre des photos. J’aime saisir la lumière naturelle, la spontanéité des gestes. Travailler d’après des photos d’inconnus me permet de me libérer des contraintes émotionnelles du portrait ; c’est en définitive plus relaxant. Ceci dit, il arrive parfois que ce soit justement la relation que j’ai pu créer avec le modèle qui rende le portrait si unique. J’aime travailler avec toutes sortes de modèles.

Francisco Castro
Mystérieux autant que sereins, les paysages de Francisco Castro expriment un sentiment de plénitude face à la puissance de la nature. La lumière y est reine.
Ce que je cherche, c’est à rendre une essence de paysage silencieux, mystérieux, à travers lequel je puisse exprimer mes émotions et mon humeur. J’y exprime l’émotion qu’exerce la nature sur moi. Mon but en fin de compte est que le spectateur ressente, face à mes oeuvres, ce que j’ai moi-même ressenti.
Page 72 Francisco Castro
Très jeune, j’avais déjà des préoccupations artistiques ; à douze ans, je me suis inscrit dans une académie locale de peinture où j’ai pu faire mes premiers pas en aquarelle. À partir de 17 ans, j’ai commencé à peindre exclusivement à l’aquarelle. Plus tard, j’ai rejoint la faculté des Beaux-Arts de Madrid, que j’ai fini par quitter car la ligne y était trop conceptuelle ; j’ai alors pris la décision de me concentrer sur mes aquarelles et mes premières expositions solo.
Démo : Un paysage de bord de mer
1
Mon dessin m’aide à saisir les lignes de force. J’utilise pour cela un crayon graphite aquarellable, ce qui me permet d’avoir un trait fort au premier plan.
3
Avec une succession de touches mouillées et sèches, je cherche à donner corps à ma vision avec toujours plus de définition.
5
Je définis un peu plus les pierres au premier plan, en insistant sur les zones les plus sombres. Je mouille ensuite ma feuille, à la recherche de textures et afin de fondre les formes les unes dans les autres.

Carlos Espiga
Peintre de plein air, Carlos Espiga saisit l’essence, les nuances et les sensations qui se dégagent sur le vif, autant d’éléments qui sont perdus lorsqu’on travaille en atelier d’après photo.
Ma passion pour le dessin remonte à l’enfance. J’ai toujours voulu être dessinateur de bandes dessinées ou illustrateur ; j’ai fini par apprendre le dessin industriel. La découverte de l’aquarelle s’est faite lors de mes études afin de représenter les différentes matières, telles que l’acier ou le bois. Il m’a fallu des années pour arriver à bien maîtriser les lavis. J’ai eu la chance, grâce à l’Association basque d’Aquarelle, de recevoir les enseignements de Juan Antonio Uriarte et de Evencio Cortina. Ce sont eux qui m’ont encouragé à poursuivre mes efforts en aquarelle.
Page 74 Carlos Espiga
Les reflets et les transparences de l’eau sont matière à beaucoup de jeux et de liberté d’interprétation. La technique de l’aquarelle est idéale pour ces éléments car je me satisfais de pigments dilués dans de l’eau que je peux ensuite laisser couler librement. Je sais comment obtenir de bons effets mais les meilleurs résultats seront toujours libres et imprévisibles.
Je préfère idéalement peindre sur le motif afin de pouvoir saisir l’essence, les nuances et les sensations qui se dégagent de l’endroit – autant d’éléments qui sont perdus lorsqu’on travaille en atelier d’après photo. L’inconvénient de peindre en plein air est que la lumière change rapidement. De même, on n’a pas sous la main tous les outils que l’on peut avoir en atelier. Mais l’avantage, en revanche, est que l’on acquiert une richesse d’informations que l’on n’a pas à l’atelier.
Les gris de ma palette ne sont pas toujours le fruit d’une formule exacte basée sur deux ou trois couleurs. Je pars d’une base de rouge et de bleu dont j’ajuste la température en fonction de mes besoins. Je travaille habituellement avec deux palettes : la première comporte mes couleurs chaudes et leurs déclinaisons ; la seconde mes couleurs froides et mes gris. J’essaye en tout cas de les garder les plus propres possibles.
Démo : Une scène d'atelier
1
Je commence par un dessin détaillé, sans projecteur, ni mise au carreau afin que mon trait soit plus personnel et aussi pour me donner plus de liberté. Ici, je me suis inspiré de photos faites dans un vieil atelier.
2
Je mouille toute ma feuille. Si le temps est sec, il peut m’arriver aussi d’humidifier le verso du papier. Je commence par placer des grosses taches de couleurs, tout en cherchant mes tons chauds.
3
Tandis que le papier est encore humide, je me lance dans les ombres à l’arrière-plan. J’esquisse la porte et les formes des bouteilles ; puis je laisse ma feuille sécher légèrement.
4
J’ajoute des détails à la porte et du volume aux bouteilles. Je suis constamment en train d’ajuster mes tons et mes valeurs en jouant avec les couleurs suivantes : vert olive, vert de vessie, bleu outremer, turquoise et terre de Sienne. Chaque bouteille est peinte individuellement.
5
J’assombris le premier plan dans la partie inférieure afin d’augmenter l’effet de la lumière venant de la gauche, éclairer les bouteilles. Puis, à l’aide d’un pinceau fin, je dessine des traces, de la poussière et des toiles d’araignée sur le verre des bouteilles.

Nono Garcia
Nono Garcia redonne vie aux objets du quotidien à travers une technique minutieuse qui traduit si bien la patine du temps.
Je ne sais pas si mon choix du réalisme est conscient. L’oeil se forme en voyant des tableaux, en visitant des musées et des expositions. Face aux oeuvres d’art, on se laisse emporter par ses impulsions, ses émotions et ses sentiments ; et le réalisme éveille en moi des sentiments.
POURQUOI LE MONOCHROME
Page 76 Nono Garcia
Ma palette est très sobre, je n’utilise généralement que deux ou trois couleurs. Je photographie en noir et blanc, j’ai toujours pensé que cela me permettait de mieux mettre en valeur les formes et la lumière ; ce sont deux éléments plus importants que la couleur pour exprimer un sentiment de nostalgie et du temps qui passe.
LA TRIVIALITÉ DES SUJETS
Je peins avant tout ce qui attire mon regard et retient mon attention : ce peut être un paysage, une porte ou juste un verre. Je ne me soucie pas de trouver une thématique sousjacente. Ce qui compte, je pense, c’est de peindre et de trouver son propre langage. La question du sujet, finalement, est secondaire, mais j’ai toujours été attiré par les objets du quotidien, abîmés par le temps. Des objets qui vivent avec nous et que l’on ne remarque même pas. Je cherche à les extraire de leur contexte, afin de leur donner plus d’importance.
C’est une réflexion sur l’importance de notre environnement. Je trouve mes sujets chez des brocanteurs ou dans ma famille, à l’occasion de voyages aussi. Parfois ce sont aussi tout simplement des objets qui traînent dans mon atelier. J’aime avant tout la patine du temps sur eux.
LE SOIN APPORTÉ AUX TEXTURES
Lorsque je travaille sur toile ou sur un panneau, mon support est toujours enduit au préalable de gesso, que j’applique généreusement avec une spatule. Cela donne une texture qui s’apparente à des craquelures, lesquelles me permettent de mieux exprimer l’aspect ancien et vétuste des objets dans mes natures mortes. Ces dernières années, j’ai surtout peint en technique mixte sur toile, en mêlant aussi bien de l’acrylique, des aquarelles, des encres que des pigments sur un support enduit de gesso. J’ai beaucoup peint à l’aquarelle, également, et cela est dû à mes contacts récents avec le Museo Della Carta, dans la ville de Fabriano, en Italie. Là, le papier, d’une qualité remarquable, est fait de manière traditionnelle, comme au XIIIe siècle. Le contact direct avec ces artisans a fait jaillir en moi mon amour de l’aquarelle qui, je crois, ne m’avait jamais quitté.
Techniques

Réussir ses peintures sur le motif,
d'après Ng Woon Lam
Peindre en plein air est un exercice fabuleux qui sert à enrichir mon dictionnaire visuel. C’est aussi une addiction ; je ne peux pas rester dans mon atelier trop longtemps. J’ai besoin des odeurs, des textures, de l’activité, de la cohue et du contact avec mes amis artistes. Réaliser des études de composition m’est indispensable pour prendre les bonnes décisions sur ce qui est vraiment nécessaire. De plus, j’aime explorer différentes rues et avenues en terme de gammes de valeurs. Cela m’aide dans mon choix de contours plus ou moins perdus, de telle manière que je puisse réduire la définition des objets dans l’image. Que ce soit en plein air ou à l’atelier, ma méthode est généralement la même. Ceci dit, l’atelier me donne l’occasion d’expérimenter et de planifier davantage, tandis que le motif me permet d’agir en fonction du contexte et des stimuli visuels.
La peur d’échouer est l’ennemi numéro un de tout artiste peintre. L’échec est un voyage ; apprendre est également un voyage. C’est en fait le même cheminement. Peindre en extérieur demande un temps de réaction et un temps de planification plus courts. Aussi, les risques d’échec s’en trouvent nécessairement plus élevés. En revanche, les chances de trouver de nouvelles idées sont plus grandes aussi, grâce à l’excitation du moment. Lorsque je peins en atelier, j’utilise des photographies de référence. Ceci dit, je me sers quand même plus de mes petites esquisses, à la fois pour ma composition et ma répartition des valeurs. Un des autres grands défis à l’aquarelle en extérieur est le changement dans les temps de séchage. Quand il pleut par exemple, la feuille ne peut pas sécher. En revanche, l’avantage principal est que si toutes les bonnes conditions sont réunies, je peux peindre vraiment très vite.
Page 85 Ng Woon Lam
Démo : SCÈNE DE RUE À BATU PAHAT, MALAISIE
Je pose mon dessin avec des mines grasses 4B ou 6es 3 clés d'une bonne composition : Une bonne compréhension du design, une bonne compréhension de la construction de l’espace, une bonne compréhension de la théorie de la couleur.
Un premier jet me permet de placer mes grandes masses et mes premières valeurs. Je laisse les couleurs fuser et se mélanger sur ma feuille, de manière à obtenir des nuances plus riches ainsi que des transitions de nuances plus intéressantes.
J’ai ensuite mis l’accent sur les éléments narratifs de mon tableau tout en reprenant les contours de mes formes : certains ont été adoucis, d’autres au contraire rendus plus flous. C’est une combinaison simultanée de dessin et de peinture.
5
J’effectue les derniers ajustements en gardant toujours en tête la peinture dans son ensemble. Je regarde les rythmes de formes et de couleurs et les relations qu’elles entretiennent les unes avec les autres par rapport à l’ensemble.

Chris Robinson
L'âme des paysages
Je ne change pas de manière consciente le paysage que j’ai sous les yeux, même si ce sont mes sentiments qui me poussent à le peindre. Si les ombres fonctionnent, alors je vais me contenter de les garder, mais pour moi, cela ne constitue pas un changement dans le paysage, juste une modification de la composition de celui-ci. Je simplifie, mais qui ne le fait pas ? Lorsque vous peignez en extérieur, vous êtes toujours sur le fil du rasoir, et ce que vous faites est une copie instinctive, dans l’instant, de ce que vous avez sous les yeux. En ce qui me concerne, je n’ai pas la patience de m’attarder sur les détails ou la composition, mais il peut m’arriver, par contre, d’ajouter un lavis final qui va unifier mon tableau.
Pour moi, ce qui compte, ce sont la lumière, la profondeur, un point focal où qu’il soit et le mouvement. Je suis sans conteste un peintre de valeurs. Choisir une nouvelle couleur – en contraste avec les autres – est toujours une grande décision. Je mets ça sur le compte de mon activité d’architecte. Pour nous, la couleur est quelque chose de très important. Aussi, si je le peux, je me contente de prendre celles que je connais et que je maîtrise. C’est un réflexe ancré en moi !
Le ciel est généralement l’élément déclencheur, car c’est lui qui détermine le dynamisme d’une oeuvre. Par exemple, un jour de grand vent ou une calme journée ensoleillée ne rendront pas du tout le même genre de peinture.Et puis, il y a la couleur. Il suffit de se rendre en Écosse ou dans la région des Grands Lacs pour se rendre compte à quel point elle influe sur le paysage. Je suis en quête de formes dynamiques, et je cherche à exprimer le mouvement. Tous ces éléments influencent mes choix d’une manière ou d’une autre.
Page 92 Chris Robinson
Démo : Les marais de Cley
Ici, c'est l'atmosphère qui m'a attiré, et non les détails. Et ça, ça ne peut être saisi par un appareil photo. Pas la peine non plus de s'appesantir sur le dessin, j'ai envie de saisir l'ambiance,les lumières et les couleurs.
Je pose un premier lavis de bleu outremer et de terre d’ombre brûlée sur ma feuille mouillée, en commençant par le haut. Je laisse des accents pour faire passer la lumière. Sur ce jus encore humide, je pose du bleu de cobalt pour faire passer les nuages au premier plan. J’ajoute un gris plus soutenu sur les nuages et la ligne d’horizon.
Sur ma feuille à peine humide, je peins les collines distantes avec un léger lavis de bleu outremer et de rouge indien. J’ajoute peu à peu de la terre d’ombre brûlée. L’humidité de la feuille floute les contours et donne un effet éthéré que je recherche. C’est à ce stade que mon sujet « apparaît » et que l’équilibre se forme.
J’ajoute les herbes au premier plan à l’aide du même mélange tandis que ma feuille sèche. Je pose un peu de jaune de cadmium et plus de bleu outremer. Je donne de la profondeur à ma composition en insistant sur le premier plan. J’ajoute quelques oiseaux afin d’imprimer une dynamique à ma peinture.
L’église dans le lointain, plus d’oiseaux et des reflets sont ajoutés tandis que la feuille est presque sèche. Je ne cherche qu’à les suggérer, peignant de manière rapide et instinctive tout en cherchant un équilibre entre atmosphère et définition des formes.
5
Il s’agit de l’étape la plus importante : je vais donner son assise à l’oeuvre en peignant le sol plus foncé que le ciel. Puis j’introduis les dernières couleurs dans les marais afin de leur donner plus de présence. Je lève aussi certaines zones avec un pinceau sec.