Le n° 29 de l’Art de l’aquarelle, paru le 1er juin 2016. Il proclame la diversité entre l'abstraction de la belge Liliane Goossens ou de la Française Agnès Le Dantec, les sujets traditionnels traités soit de façon conventionnelle comme le portfolio du chinois Yu Siu-Lin, soit sous un angle nouveau comme les instantanés du Suédois Lars Eje Larsson ou les fleurs de l’Allemande Elke Memmler.
Mais nous commençons par l'actualité du salon de Rochemaure et de la La 204e exposition de la RI à Londres, plus la traditionnelle ma dernière peinture, avant de partir à la rencontre des gracieuses danseuses d'Anna Ivanova.
Réalisme des décors du français Alain Page et des personnages de l'Américain Gary Akers qui réhausse les contrastes pour jouer avec la lumière.
2ème rencontre avec les bateaux de l'Anglais Ian Ramsay et Les reflets surprenants de la Chinoise Jia.Li.
Et pour finir, le péruvien Dario Callo Anco dans un lieu un artiste, une démonstration de l'Américain Carl Purcell.
L'actualité
Le Salon de Rochemaure
Les invités internationaux :
Graham Berry (Royaume-Uni), Ekaterina Ziuzina (Biélorussie), Ilya Ibrayev (Russie), Anna Ivanova (Russie), Serge Lisiy (Lituanie), Ali Abbas Syed (Pakistan), Frutos Casado de Lucas (Espagne), Cesc Farre I Sendros (Espagne), Amit Kapoor (Inde), Milind Mulick (Inde), Igor Sava (Italie), Massimiliano Iocco (Italie), Pawel Gladkow (Pologne), Minh Dam (Vietnam/Pologne), La Fe (Thaïlande), Christiane Bonicel (France), Christine Crehalet (France), Hélène Darmagnac (France), Thierry de Marichalar (France), Hervé Espinoza (France), Yvonne Ferrero (France), Roland Génieux (France), Franck Hérété (France), Michel Kolsek (France), Michel Rabault (France), Pierre Valaincourt (France)
Dans notre recherche de diversité et de qualité des travaux d’aquarellistes, c’est tout naturellement que nous sommes ouverts à l’étranger. En 2014, 60 % des artistes sont venus de l’étranger et il en sera de même pour 2016. C’est bien entendu un énorme travail de préparation pour recevoir tous ces artistes et leurs accompagnants : obtention des visas, logement, repas, encadrement des oeuvres… Leurs oeuvres sont exposées au Salon et sont mises en vente à des prix attractifs. Lorsqu’une oeuvre est vendue, elle est immédiatement remplacée par une autre que nous avons en stock.
Les roses de Jean-Claude Papeix
Biennale du Teich
La quatrième Biennale d’Aquarelle du Bassin d’Arcachon organisée par l’association « Arts et Loisirs » s’annonce du 6 au 21 août 2016 dans la grande salle polyvalente du Teich, en Gironde. Cette exposition, désormais événement incontournable de l’été, regroupera 71 aquarellistes autour des deux invités d’honneur, Marc Folly et Fernand Thienpondt. Le grand prix de la biennale, le prix spécial du jury, le prix du public seront attribués au cours de la manifestation. Le public pourra assister à des démonstrations gratuites presque quotidiennes ou participer à des stages animés par des peintres exposants. Grâce à une tombola, des aquarelles originales seront à gagner. La visite du Bassin d’Arcachon
La 204e exposition de la RI à Londres
Nous avons un grand nombre de prix qui permettent de couvrir autant que possible les différents aspects de l’aquarelle. Un seul d’entre eux est donné uniquement aux membres de la RI tandis que tous les autres sont ouverts à tous les exposants, qu’ils soient membres ou non. Certains prix sont attribués pour leur maîtrise technique dans un domaine tel que le dessin, le paysage ou l’utilisation de la couleur. D’autres sont décernés spécifiquement à des jeunes artistes ou pour encourager l’innovation et l’expérimentation à l’aquarelle.
Lorsque j’étais étudiant, la mode était aux très grandes huiles abstraites sur toile. C’était le début de l’art conceptuel, où l’idée était plus importante que le travail fini. Certaines personnes déclaraient même la mort de la peinture.
Page 13 Entretien avec Andy Wood, Président de la RI
Révélations
Le Français Joël Leroy
Je suis venu tardivement à l’aquarelle. J’ai découvert cette technique lors d’une visite à la Biennale de Brioude en 2009. Pourtant, mon approche du dessin et de la peinture remonte à ma jeunesse. Apprenti pâtissier, je peignais des décors avec du chocolat. Mon maître d’apprentissage avait remarqué chez moi une certaine aptitude pour la partie artistique du métier et m’avait encouragé à suivre des cours aux Beaux-Arts de Boulogne-sur-Mer. Mais un grave accident pendant le service militaire a mis un terme à mon métier de pâtissier. Je me suis éloigné de la peinture et du dessin. Puis j’ai entamé une carrière dans l’administration de l’Éducation Nationale. J’ai néanmoins gardé une passion pour l’art, même sans pratiquer, je prenais du plaisir à parcourir les expositions, lire des ouvrages sur la peinture. J’aime la période impressionniste, Monet, Sargent… mais mon préféré est Cézanne. Les modernes m’attirent également, Lucian Freud, Francis Bacon.
Rigueur et ténacité caractérisent mon tempérament ; il m’arrive de réaliser plusieurs fois la même peinture jusqu’à obtenir un résultat qui me convienne. Je construis mes oeuvres en respectant autant que possible les règles des Anciens (nombre d’or, valeurs…). Page 14 Joël Leroy
la britannique qui vit en France Sarah Wood
J’adore la fluidité des lavis et sa transparence. C’est ainsi que je me fascinai pour le défi consistant à utiliser l’aquarelle pour traduire chacune des gouttes de pluie et la façon dont la lumière les affecte. Je me mis à les étudier de manière approfondie : il est intéressant d’observer comment des feuilles et des fleurs différentes réagissent à la pluie. Certaines feuilles ne retiennent pas du tout l’eau, qui laisse uniquement des traces sombres, tandis que d’autres conservent la forme de chaque gouttelette. Les pétales de fleurs, eux, réagissent encore différemment : les gouttes n’y sont pas aussi remarquables. J’aime incorporer dans mes oeuvres des arrière-plans enchevêtrés de feuilles et d’herbes. Plus c’est détaillé et compliqué, plus le défi est passionnant à relever.
Mon conseil : n’ayez jamais peur de vous attaquer à des sujets du quotidien. On trouve toujours de la puissance dans les ombres et la lumière qu’offre le plus ordinaire des objets.
Page 17 Sarah Wood
Le Français Didier Brot
Dans la hasardeuse aventure des chemins de l’aquarelle à inventer au jour le jour, il faut du courage, de l’imagination, de l’exigence, de la persévérance et du talent. S’offrent à tout artiste engagé dans cette quête deux voies abruptes. Celle du « plus » : plus de savoirs, plus d’effets, plus de mondanités et de relations, plus de présence médiatique, plus de succès probablement. Et l’autre voie, celle, plus spirituelle et austère, du « moins ». Pas du moins de savoirs, bien au contraire, mais des savoirs dépassés, moins d’effets de style chics et gratuits et plus d’intériorité. Chemin aussi a contrario de la mode du temps et donc à une certaine distance par rapport au légitime besoin de considération et de succès. Mais faisant la part belle à l’indépendance, à la liberté et à la sincérité.
Fort de cette approche, Didier Brot réalise de petites séries thématiques à l’aide d’une technique, d’un support, d’une ambiance colorée. Tout pour une écriture limitée dans le temps et l’espace afin d’éviter d’être reconnu, catalogué, étiqueté. Ensuite, il change tout et commence une nouvelle aventure aquarellée.
Page 16 Didier BrotLe Singapourien Marvin Chew
Je peins ce que je vois et ce que j’aime, capturant l’ambiance ou l’atmosphère particulière de mon environnement, de mes activités quotidiennes, de paysages et de scènes urbaines. On m’assimile souvent à un « metteur en beauté », parce que je transfère des scènes banales dans des compositions impressionnistes à l’aquarelle imprégnées d’un aspect nostalgique. Mon inspiration naît de l’observation du monde qui m’entoure. J’adore peindre sur le motif, où la confrontation directe avec le sujet et sa relation avec son environnement m’offrent d’abondantes et d’intéressantes possibilités en termes de composition et de design.
J’ai peint à l’aquarelle toute ma vie, et pourtant je trouve cette technique toujours aussi stimulante et épanouissante. J’aime la luminosité et la flexibilité qu’elle permet. Si elle ne donne pas trop droit à l’erreur, elle n’est pas pour autant un médium pour perfectionnistes : il est quasiment impossible de dompter son flux naturel. J’ai passé ces dix dernières années à essayer de trouver un moyen de la contrôler et de lui dicter mes choix, mais je commence à réaliser qu’on devrait plutôt la laisser « se peindre » toute seule. Mon job en tant qu’artiste consiste seulement à la guider jusqu’à obtenir un résultat en phase avec ma conception de la beauté.
Page 18 Marvin Chew
La française Agnès Le Dantec, gagnante du concours de juin 2016
Quand je veux de la densité, je travaille à l’acrylique sur papier ou sur toile pour pouvoir revenir souvent dessus et faire de très nombreux glacis. Mes sujets seront aussi plus « émiettés » qu’à l’aquarelle, d’ailleurs les acryliques pourraient très facilement leur servir de démarrage : contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’aquarelle n’est pas une esquisse d’autre chose ! Quant à la technique mixte, que j’aime spécialement, elle autorise toutes les libertés, ce qui est le guide suprême de mon travail. J’aime expérimenter les effets, me créer des matières nouvelles, comme si les papiers collés, repeints, étaient des couleurs surprenantes.
Je prends toutes les couleurs ! Les rouges, oranges, rose Opéra, jaune, avec du plaisir pour le jaune de Naples (Sennelier) qui, très dilué, renvoie la lumière. Dans les bleus, je choisis l’outremer pour la granulation, le bleu de Prusse pour faire des verts de printemps éclatants mélangé au jaune citron ; les cobalt et céruléum plus rarement, ou alors pour combinaison, avec prudence en raison de leur opacité relative.
Page 88 Agnès Le Dantec
La peinture préférée de Ross Paterson
Tandis que le soleil baissait, j’ai pu voir que l’ombre au premier plan prenait de plus en plus d’importance. Non seulement elle me permettait d’indiquer l’ambiance, mais aussi de simplifier et d’unifier la composition dans son ensemble. La partie la plus complexe fut sans doute le lavis final pour l’ombre froide, appliqué sur la couche sous-jacente aux tons chauds, dans un équilibre prédéterminé de chaud et de froid afin de suggérer l’illusion de la lumière du soleil. Appliquer ce mélange de bleu outremer et d’un peu de rose permanent a été la dernière étape du tableau…et la plus dangereuse, car je pouvais alors tout perdre.
Pour peindre le cours d’eau, j’ai appliqué la peinture sur la partie préalablement mouillée : les trois primaires (jaune, rouge et bleu) ont été appliquées de manière équilibrée afin de donner un gris-bleu chaud. L’eau est devenue jaune vif dans la partie supérieure, afin de rendre compte des reflets de la colline en plein soleil. Mon objectif global était de représenter le changement progressif des tonalités de l’eau,alors qu’elle s’assombrissait en se rapprochant du premier plan.
Page 80 Ross Paterson
Ma dernière peinture
Ces artistes ont déjà été publiés dans l'Art de l'Aquarelle, nous retrouvons leur dernière peinture.
Drapeaux pour la liberté,
Thierry Duval
50 X 50 CM
Notre président nous a demandé de pavoiser le drapeau français en hommage aux attentats : c’est ce que j’ai fait, dans cette aquarelle prémonitoire, deux semaines avant.
Spiegelgung,
Viktoria Prischedko
95 X 75 cm
En étant sur le fil entre la réalité et l’onirique, entre l’abstraction et la figuration, je peux à la fois créer des associations et évoquer des souvenirs.
Chevalier,
Slawa Prischedko
120 X 90 cm
J’aime laisser le papier au repos à l’étape de la composition, afin d’améliorer le contraste entre ce qui est représenté et ce qui est pensé
Sunlit flowers and apples,
Arnold Lowrey
46 X 63,5 cm.
Mes contours sont flous, sauf au niveau du point focal. Cela nécessite de maîtriser l’eau et la fusion des couleurs.
Sans titre, 56 X 62 cm. aquarelle et encre de chine,
Cao Bei-An
56 X 62 cm
Ombres et lumière bondissent et se confrontent, au rythme du pinceau qui danse.
Butterfly pea, 35x55 cm
Adisorn Pornsirikarn
35x55 cm
Le paradoxe entre la douceur du sujet et la vivacité de la touche est là pour stimuler le regard.
Anticipation of Good,
Dylan Scott Pierce
58x79 cm
Bien que sa vie soit remplie de difficultés, cette femme fait pousser de belles choses dans le jardin de son coeur
Bancel bleu,
Marc Folly
36x35 cm
Je demeure toujours aussi attaché à l’ambiance et l’univers des ateliers, un thème que je n’épuiserai sans doute jamais.
A.Ivanova

Anna Ivanova, La grâce des ballerines
Cette jeune artiste Russe dépeint avec sensibilité le monde gracieux de la danse, relevant le défi des compositions à plusieurs personnages.
Je suis tombée amoureuse du ballet dès mon enfance, quand ma mère m’emmenait voir les festivals de ballet de Kazan. Les danseurs et les décors étaient sous mon nez. Les corps volaient dans les nuages blancs des tutus. C’était magique de voir les gestes délicats des danseuses et des ballerines. Aujourd’hui, je comprends à quel point il est difficile pour des danseurs et des ballerines d’obtenir cette image de légèreté. Ce n’est pas seulement pour eux une manière d’être, mais la vie elle-même. On peut toujours identifier de loin une ballerine : sa manière de se déplacer, la façon dont elle se tient, et la grâce qui se dégage d’elle, même quand elle est fatiguée ou impatiente de rentrer sur scène.
Certaines peintures – que je nomme mes « romans » – se composent de 10 ou 12 lavis, tandis que d’autres sont peintes alla prima ; ce sont mes haïkus. Généralement, je commence par un dessin au crayon assez détaillé qui me permet ensuite de me concentrer uniquement sur la mise en couleurs et la lumière. Le fait de savoir si une peinture demande de multiples couches de couleur se détermine en cours de route.
Page 26 Anna Ivanova
Je n’ai pas suivi de formation spécifique en art, donc pour moi, les règles… Je ressens juste ce à quoi mon oeuvre devrait ressembler et je me fie à mon instinct. J’aime jouer avec la lumière et les plans, les contours flous et nets pour trouver le centre de ma composition et éviter que mon image soit statique.
Ce sont les mouvements qui me subjuguent, les corps qui volent et les nuages des tutus. J’apprécie les couleurs douces et j’aime toujours tenter de saisir une scène lorsqu’il y a une interaction intéressante avec la lumière. La lumière joue le plus grand rôle dans ma peinture.
Ma palette contient généralement 7 couleurs : terre de Sienne brûlée (de chez Jackson pour sa tonalité rouge), bleu outremer (de chez Schmincke pour les portraits car il est très transparent, et Mijello pour les fonds, grâce à sa granulation), opéra brillant (Mijello) dont je me sers comme base pour mes tons de chair, bleu faisan (Mijello, notamment) pour des tons froids de chair, sépia (Schmincke ou Daniel Smith), rose de garance (Mijello) et ocre jaune (très rarement). Je me sers de la tonalité du papier pour mes blancs les plus éclatants et d’un mélange de sépia et d’outremer pour mes noirs. Si j’ai besoin de verts, je me contente de mélanger un brun et un bleu.
Démo : Conversation (56x38 cm)
Je commence par mon sujet principal, personnage par personnage. Puis je termine par le fond qui unifie mon travail. En cours de route, je peux m'arrêter à n'importe quel moment pour avoir le temps de finir l'oeuvre de manière logique.
- Je commence par un dessin léger, car généralement je n’aime pas que les traits de crayon soient visibles. Je mouille ensuite toute la feuille jusqu’à ce que sa surface soit luisante d’eau. J’attends que la surface devienne mate : elle ne doit plus être trempée, tout en demeurant fraîche au contact de la main. Là, je peux commencer à peindre.
- Je démarre par le personnage au premier plan, en peignant du plus clair au plus foncé. J’essaie dans la mesure du possible de ne passer qu’un seul lavis : ainsi mes aquarelles gardent un caractère plus frais et plus léger.
- Je peins les autres ballerines à l’aide des mêmes couleurs que l’étape précédente. Les tutus sont réalisés avec un mélange de Bright Opera (Jackson’s), Violet hue (Jackson’s), de bleu outremer et de sépia. Je ne me sers que d’un seul pinceau : un pinceau chinois pour la calligraphie en poils de loup et de chèvre.
- Le groupe central des danseuses est terminé : je me concentre sur leurs tutus, que je relie à l’arrièreplan. En les peignant mouillé sur mouillé, je renforce le sentiment de légèreté de leur tutu. Un fond sombre m’aide également à apporter une lumière forte sur la composition centrale.
- LE FINAL : Je termine par la dernière ballerine, pas aussi détaillée que les autres parce qu’elle fait partie de l’arrière-plan et qu’elle ne constitue pas le sujet principal. Je peins ensuite le fond, afin d’unifier la peinture. Je parachève en ajoutant quelques rehauts sur les autres ballerines.
MES MÉLANGES POUR LES CARNATIONS ET LES CHEVEUX :
Ocre jaune (Jackson’s), Peacock blue (Mijello), terre de Sienne brûlée (Jackson’s), Bright Opera (Mijello), pour les tons chair. Et pour la chevelure : les parties claires sont peintes avec du Peacock Blue, puis de la terre de Sienne, du sépia (Schmincke) et du bleu outremer (Schmincke).
A.Page
Dans l'atelier d' Alain Page

Dessinateur industriel de formation, Alain Page débute en art avec la calligraphie asiatique. C’est au cours des années 1990 qu’il décide de se lancer dans l’aquarelle. Il est aujourd’hui président de la société Alizarines, qui organise une exposition tous les deux ans à L’Haÿ-les-Roses, à proximité de Paris.
À l'occasion des séjours qu'il a effectué en Asie, Alain s'est confronté à la beauté des temples et des lieux de vie au Cambodge et à Bali. A partir des nombreux clichés qu'il prend au cours de ses vouages, il crée des aquarelles sensibles en hommage à ces lieux.
Je dessine mon sujet au crayon, en précisant les détails. Je mouille mon papier par zones, avec de l’eau (sans couleur), en réservant des parties sèches. Ensuite, je pose mes fonds, en général des gris colorés. Je pose les couleurs par petites touches, à mesure que le papier sèche, pour faire apparaître les volumes. Progressivement, je mouille les différentes zones en réalisant des « greffes » sur les parties déjà sèches, par rapport aux nouvelles zones mouillées. Au fur et à mesure, je crée les zones d’ombre et de lumière. Je me rapproche de ce que j’ai ressenti au moment où je prenais la photo.
Page 32 Alain Page
L.Goossens
Dans l'atelier de Liliane Goossens

Liliane Goossens est membre de base de l’Institut d’Aquarelle de Belgique (AIB)et des Aquarellistes en Nord France, parmi d’autres. Architecte d’intérieur de profession, elle a commencé à s’engager dans l’aquarelle pour le dessin et la conception des intérieurs. Dans son poste à la chaîne de télévision Belge VRT, comme architecte d’intérieur pour les films et feuilletons, elle utilisait aussi cette technique. Il n’existait pas alors de programmes de dessin sur ordinateur et la tradition était de montrer des images à la main. De là, elle a commencé à mettre des sentiments dans les aquarelles, grâce à l’utilisation de la couleur et de la composition. Elle a ensuite appris de nouvelles techniques, comme l’aquarelle chinoise et les dessins peints japonais, ce qui lui a donné un point de vue différent des codes de la pensée occidentale. Les peintures en godets ont été remplacées par des tubes, les pinceaux, les récipients pour l’eau et aussi ses études sont devenus plus grands…
Il faut savoir dessiner avant de faire une aquarelle. Avec la technique humide sur humide, on ne connaît jamais le résultat final par avance. Il est certain qu’on doit maîtriser cette technique. On sait qu’on doit tenir compte de la composition, de la perspective, de la lumière et de l’obscurité. J’essaie de dire autant que possible avec des ressources minimales. C’est une combinaison de lignes, de surfaces et de formes. On doit également prendre en compte les caractéristiques de la couleur : transparence, concentration, résistance à la lumière, nuances… Pour moi, la peinture elle-même est plus importante que le thème. L’oeuvre est finalement le reflet des impressions et des sentiments du moment. Habituellement, c’est un paysage, mais pas nécessairement. Elle peut aussi être purement abstraite. Les peintures sont une véritable recherche de l’inconnu. Elles donnent parfois des formes organiques luxuriantes ou une atmosphère mélancolique, et elles sont en même temps suggestives et très présentes
Page 37 Liliane Goossens
L.E.Larsson
Waiting Acrylique, 50 x 100 cm

Rien n’est interdit en peinture Lars Eje Larsson
L'artiste Suédois croit fermement à la règle selon laquelle la fin justifie les moyens. Qu'il s'agisse de paysages ou de scènes tirées de films imaginaires, ses peintures dévoilent son inventivité à l'aquarelle.
Je peins à l’aquarelle depuis 1977, et auparavant à l’huile – depuis 1966, en fait. C’est un de mes amis qui m’a montré les oeuvres d’Andrew Wyeth. J’avais toujours pensé que l’aquarelle devait être légère et simple. Mais j’ai désormais acquis la certitude que l’on peut tout faire avec l’aquarelle. J’adore ce mélange de techniques sèches et humides dans une même image. J’ai essayé d’apprendre par moi-même ce qu’avait pu découvrir Andrew Wyeth, et j’en suis arrivé à la conclusion qu’il faut être très impliqué dans ce que l’on veut exprimer afin de le ressentir ; il ne suffit pas de simplement recopier la technique d’un autre peintre. Mais ce fut en tout cas un processus complexe et difficile
Je travaille beaucoup sur mes scènes nocturnes, en partie inspirées par un séjour à Cuba en 2012. J’ai été fasciné par les patines magnifiques des vieilles façades, ainsi que les vieilles voitures américaines des années 50 – tout comme les lumières chaudes des éclairages publics et les lumières froides des lampes fluorescentes à l’intérieur, à l’inverse de la Suède !
Page 40 Lars Eje Larsson
Y.Hsiu-Lin
Yu Siu-Lin, Rêves d'enfance et souvenirs à venir
Le paradis perdu de l'enfance et le poids de la vieillesse sont deux thèmes chers à Yu Siu-Lin. Il a trouvé dans l'aquarelle la technique parfaite pour exprimer son tempérament nostalgique et poétique.
Diplômé en beaux-arts à la National Taiwan Normal University, il est devenu enseignant d'art dans un lycée dans les années 1990. En 2015, il prend part à l’International Watercolor Elite Exhibition à Taïwan.
J’ai l’habitude de peindre des portraits et d’observer les gens depuis mon plus jeune âge. Il m’a ainsi été naturel de développer une sensibilité propre. Puis, quand j’ai découvert l’aquarelle à quarante ans, je suis tombé amoureux du genre du portrait. Les émotions et les sentiments qu’éprouvent les uns envers les autres sont quelque chose qui me fascine beaucoup, comme la dévotion des parents envers leur progéniture, le visage innocent et naïf d’un enfant, les souvenirs à tout jamais ancrés en nous des lieux où nous avons grandi. Chaque visage émet quelque chose de noble et c’est précisément cela que je cherche à louer à travers mes pinceaux.
Page 52 Yu Siu-Lin
Lorsque je choisis mes couleurs, je prends avant tout des teintes à faible saturation, les mieux adaptées à ma façon de penser. De plus, en ayant recours à des superpositions de couches transparentes, je crée une ambiance riche et profonde qui reste également harmonieuse.
G.Akers
Gary Akers Ce que j'ai appris

Oscillant entre les sorties sur le motif et son atelier du Kentucky, il offre des paysages magnifiés par l'aquarelle et la tempera. Diplômé en 1974 de la Morehead State University, dans le Kentucky, il publie en 1999 son livre, Kentucky: Land of Beauty, puis en 2003 un second livre, Memories of Maine. Gary Akers est membre de l’American Watercolor Society et de la Kentucky Watercolor Society.
J’ai vraiment découvert comment peindre à l’aquarelle lors de mes études à la Morehead State University ; avant cela, je ne faisais que m’amuser avec cette technique. J’ai eu un très bon instructeur, Doug Adams : il m’a appris la technique et nous faisions beaucoup de sorties ensemble. C’est là que j’ai pu prendre conscience de l’importance des ombres et de la lumière dans mon travail. La découverte de la tempera à l’oeuf est venue plus tard, lorsque je donnais des cours de dessin et d’aquarelle à l’université. Il y avait dans la bibliothèque de la faculté un livre sur Andrew Wyeth et je n’arrivais pas à croire que l’on puisse peindre aussi bien. C’est là que je me suis mis à la tempera ; toutes mes oeuvres lors de mon cursus universitaire ont été faites dans cette technique. J’ai pu parfaire mon apprentissage grâce à une bourse de la Fondation Greenshield. En tant qu’instructeur, j’avais la possibilité d’emprunter ce livre une année entière. Mon diplôme final a été consacré à la technique de la tempera à l’oeuf.
Page 58 Gary Akers
Ma technique de la tempera en 4 étapes clés
- Je préfère la tempera à toutes les autres techniques parce qu’elle est sèche au toucher en quelques secondes et qu’on peut appliquer la couche suivante très rapidement. J’ai toujours apprécié peindre sur des surfaces sèches et je n’aime pas m’arrêter en cours de travail pour attendre que la peinture sèche.
- C’est ce processus de superpositions qui rend la tempera à l’oeuf tellement unique, car chaque couche de peinture transparaît sous les couches précédentes, jusqu’à ce que les dernières soient presque opaques. Aucune autre technique que la tempera traditionnelle à l’oeuf, dont les origines remontent à la Renaissance, ne permet d’atteindre une aussi belle luminosité.
- Les pigments que j’utilise sont : blanc de titane, bleu céruléum, bleu de cobalt, bleu outremer, rouge de cadmium clair, jaune de chrome moyen, ocre jaune, terre de Sienne, terre d’ombre et terre de Sienne brûlée. Les pigments sont mélangés à de l’eau distillée et du jaune d’oeuf, avec des quantités égales de pigment et de jaune d’oeuf. Ce dernier est le seul liant que j’utilise.
- Tout commence par de grands lavis de couleur. De larges zones sont délimitées par des gestes libres et spontanés à l’aide d’un pinceau large en poil de martre. Une fois que ces zones sont correctement déterminées, je me concentre sur mon sujet principal, travaillant sur les détails jusqu’à ce que je sois satisfait, me servant de contre-hachures pour terminer mon tableau.
Pas à pas : Reflection of Olson’s
Je cherche davantage à traduire l’essence et l’atmosphère de mon sujet qu’à en faire une représentation précise et détaillée.
Page 59
Afin d’obtenir un rendu final proche de la tempera, malgré le fait que vous n’ayez pas de pigments sous la main, vous pouvez mélanger du jaune d’oeuf à de l’aquarelle en tube. Particulièrement propice lorsque vous êtes sur le terrain.
Quand vous faites une pause pour le déjeuner, n’oubliez jamais de recouvrir et protéger votre travail en cours. Sinon, comme ce fut mon cas, vous risquez de voir un chat ou un chien errant lécher la surface de votre panneau !
- Je commence par un crayonné léger sur un panneau Clayboard Smooth. Je passe ensuite mes premiers lavis à l’aide d’un pinceau rond Loew-Cornell n° 4 : ocre jaune, bleu céruléum et blanc de titane, pour indiquer les premières tonalités de ciel dans la vitre et l’encadrement de la fenêtre.
- A l’aide du même pinceau, je délimite les reflets des arbres à l’arrière-plan. À ce stade, j’ai ainsi déterminé les valeurs les plus fortes et les plus faibles de mon tableau
- J’apporte plus de détails dans la fenêtre avec un pinceau Loew-Cornell Ultra Round n° 2. Je construis les textures des herbes à l’aide de très nombreuses et très petites contre-hachures.
- La fenêtre étant maintenant quasiment terminée, je me lance dans la peinture du bardage en bois de la façade, à l’aide d’ocre jaune, de bleu céruléum, de rouge de cadmium clair et de blanc de titane.
- Je continue à apporter des détails dans les planches de bois, à l’aide – une fois encore – de contre-hachures. Je superpose les lavis de couches chaudes et froides les unes par-dessus les autres afin d’obtenir un équilibre de couleurs.
- LE FINAL : Je passe une dernière couche globale de façon à atteindre une unité. Avant de terminer le tableau, j’ajoute quelques derniers détails sur la fenêtre et le bardage.
I.Ramsay
Ian Ramsay

Pour Ian Ramsay, l'acte de peindre doit s'accompagner d'une certaine tranquillité d'esprit. Un sentiment de détente, la satisfaction ressentie face au suhet choisi ont donné naissance à ses meilleures oeuvre. Il nous livre ici les fruits de son expérience de peintre de plein air et d'atelier.
Ian Ramsay est né à Farnborough, en Angleterre, en 1948. Il a suivi des études en Grande-Bretagne, au Canada et aux États-Unis. Titulaire d’une maîtrise en architecture de l’université de l’Utah, il a exposé, entre 2001 et 2005, dans 16 villes japonaises. D’abord architecte, Ian Ramsay a découvert l’aquarelle à Londres dans les années 1970. Une pratique qui est vite devenue une obsession pour lui. Le métier d’artiste lui est tombé dessus par hasard, à la faveur d’une rencontre avec une galerie d’art située près de son bureau. C’était en 1979, et sa vie prenait un nouveau tournant.
Il a remporté entre autres le Prix Edward Maule Memorial de la Western Federation of Watercolor Societies, le Purchase Prize Award lors de l’exposition Sear Invitational Art Show à la Dixie State University à St. George (Utah) et le prix Best of Show à la Utah State Fair.
Il donne des stages et des démonstrations aux États-Unis ainsi qu’au Japon.
Le Victoria Dock à la loupe
Cette peinture exprime ce que j’ai ressenti ce matin-là : j’étais calme, heureux et content. J’ai particulièrement aimé peindre cette aquarelle, plus que beaucoup d’autres au cours des dernières années.
LA COMPOSITION : Mon idée de la composition m’est venue d’une photo prise un matin de septembre 2015, à Vancouver, en Colombie-Britannique. La composition avec les bateaux me plaisait mais j’ai dû faire quelques ajustements sur le quai latéral et à l’arrière-plan pour renforcer la composition.
LE SUJET ET SES COULEURS : Pour moi, le vrai sujet réside dans les détails des bateaux, notamment les mâts et les filins. J’ai aussi été touchée par l’aspect monochrome du ciel, de l’eau et des coques des bateaux. Les gris et les bleus étaient la palette idéale pour rendre la tranquillité du matin.
Où peindre ?
Je peins beaucoup en plein air mais mes oeuvres les plus abouties – et à mes yeux les plus réussies – sont faites en atelier. Peindre et dessiner sur le motif sont des activités appréciables et très importantes. Cela permet de s’ouvrir à son sujet, là où la photo limite notre appréciation et notre compréhension. Les couleurs naturelles extérieures semblent aussi plus faciles à recréer sur la feuille.
Son processus créatif
Mes croquis délimitent les formes principales ainsi que les ombres qui sont placées à des fins de composition. Mes études de couleurs sont très libres. Une fois que j’en suis à placer mon dessin sur ma feuille de papier aquarelle, j’ai tendance à mettre plus de détails qu’il n’en faut. J’ai découvert que cela m’évite de prendre trop de décisions par la suite. Tandis que la peinture se développe, certains détails sont ajoutés, et quelques décisions – qui améliorent le tableau – sont quand même prises.
L'ambiance
J’essaie de décider à l’avance de l’ambiance que je veux donne à ma peinture de sorte d’avoir une direction vers laquelle aller. C’est quelque chose que je sens lors des premières phases de développement de la peinture. Si je ne laisse pas la peinture prendre son essor par elle-même à un moment donné, je vais alors me retrouver avec un tableau sans vie. Lorsque cela arrive, j’essaie de corriger mes erreurs avec plus de lavis dans le ciel et au premier plan, tout en ajoutant plus de contrastes.
Page 62 Ian Ramsay
La méthode de Ian Ramsay
Une fois que j'ai déterminé mon sujet à partir de mes esquisses, de mes photos ou de mes diapositives, je commence par une rapide étude de valeurs et de composition. Cela m’aide à confortablement poser mon dessin sur mon papier aquarelle. Le sujet en lui-même détermine généralement le format de la feuille. Je dessine ensuite précautionneusement mon sujet avec un crayon F. Pour moi, un dessin précis rend l’expérience de la peinture plus simple. Si je suis pressé et que je n’ai pas correctement résolu mon dessin, il y a toujours quelque chose qui cloche avec le résultat final. Des corrections doivent être ajoutées. La patience dans le dessin est toujours un de mes buts les plus importants.
L’étape suivante consiste à poser rapidement les premiers lavis, pour les couleurs les plus claires dans le ciel, au premier plan et dans les autres grands aplats… tout en prenant soin de peindre autour des zones que je réserve. Je peins presque toujours mouillé sur sec ; j’utilise rarement la technique mouillé sur mouillé. Je ne me sers quasiment jamais de gomme à masquer : c’est à la fois pénible et cela laisse des contours trop nets qui doivent ensuite être atténués.
Une fois que les lavis sont secs, je commence la superposition des couleurs, dans l’humide et de manière libre, fondant les contours si nécessaire. J’aime avoir une richesse de contour, notamment dans le ciel et les grandes zones de paysage. À ce stade, je vais me concentrer sur mon sujet principal, en lui apportant de la forme, des ombres, et plus d’impact en gardant toujours en tête mes contrastes (de valeur et de couleur).
Tout au long de ma peinture, j’utilise des grands pinceaux, ce qui me permet de peindre rapidement, de manière fluide tout en étant plus détendu. Malgré le niveau de détail dans mes tableaux, je ne me sers de pinceaux fins qu’en toute fin de travail. Les détails sont complexes pour ceux qui se lancent en aquarelle, alors que c’est en fait la partie la plus simple de la peinture. En revanche, toutes les parties complexes doivent être résolues avant de se lancer dans les détails… Ensuite, c’est comme du dessin, et j’adore dessiner.
Quand les détails sont posés, la peinture est terminée à 90 %. À ce stade, je pose ma peinture sur un chevalet pour l’évaluer. Je prends des notes sur les ajustements de couleur et de valeur nécessaires, afin de donner à l’aquarelle plus de force. La peinture est terminée après ces dernières touches posées.
J.Li
Jia Li Histoires d'eau
Cette aquarelliste Chinoise est diplômée en 2021 de l’Institute of Fine Arts de Hubei. En 2014, elle reçoit le prix d’Excellence à la Biennale Internationale d’Aquarelle de Shenzhen (Chine) pour Water Mirror Bloom (ci-contre).
Ses aquarelles gorgées de détails tentent de traduire le sentiment de plénitude qui survient lorsqu'on se trouve sous l'eau ou bien plongé dans ses pensées. Fascinée par les reflets du liquide sur la peau, Jia Li nous fait découvrir la beauté des corprs immergés à travers les expressions et postures de ses modèles.
Je ressens vraiment quelque chose de spécial avec l’eau : j’aime être dedans et découvrir ce qui vit sous la surface. C’est vraiment un autre monde. Beaucoup de personnes pensent comme moi, d’où le nombre très important de photographies sous-marines que l’on peut voir ici ou là. Je cherche moi aussi à montrer mes émotions par le biais de la feuille de papier aquarelle, à les décrire par mes coups de pinceau. La réfraction de la lumière, sous l’eau, donne une beauté incroyable aux personnages ; tout est plus mystérieux et plus excitant. Le corps humain sous l’eau est libre, sans entraves. Tout aussi fascinants et imprévisibles sont les reflets de l’eau en mouvement sur la peau, les ondes, les bulles. Et les vêtements changent avec l’eau, aussi chaque image est forcément unique.
Page 68 Jia Li
La technique de Jia Li en 4 points clés
- Généralement, je commence par humidifier les deux côtés de la feuille, puis je la pose sur une planche en plastique. J’attends le moment où il n’y a plus d’eau sur la feuille mais où elle est encore humide, puis j’applique la couleur globale. J’utilise du papier en fibres de coton, qui absorbe donc bien l’eau : cela me permet de prendre plus de couleur avec mon pinceau.
- Une fois le papier sec, une partie de la couleur sera absorbée par ses fibres, et donc la couleur sera plus claire que lorsque vous l’avez posée. J’essaie de ne pas repasser, ce qui me demande de réussir à estimer et à jauger la bonne quantité et la bonne densité de peinture du premier coup.
- Quand la feuille est presque sèche et à plat, je vais la fixer sur une planche en bois. J’attends qu’elle sèche complètement avant de reprendre les détails en mouillant seulement les zones qui doivent être retravaillées.
- Comme je peins un environnement translucide, je cherche à garder mes couleurs transparentes. Pour représenter l’eau, je n’utilise pas trop de superpositions de couleurs. Il est facile de rendre la transparence uniquement avec des pigments : il suffit de garder l’équilibre entre l’eau, la couleur et l’humidité de la feuille. Ensuite, les objets sous l’eau paraissent toujours plus vifs qu’ils ne le sont dans un contexte avec une lumière naturelle. En conséquence, la couleur sera plus dense dans les zones à l’ombre. Une fois que vous avez compris cela, il est plus facile de peindre des objets – et des corps – immergés.
Un tableau à la loupe
LA COMPOSITION : Seule la moitié de mon personnage est représentée, afin de laisser de la place à l’imagination du spectateur. Je me suis servie de la règle d’or pour placer le visage. L’espace vierge sur la droite permet de montrer la direction que le personnage suit pour nager. Sur le corps peuvent être discernés les détails d’ombre et de lumière, aussi bien sur la peau que sur les vêtements.
LE MESSAGE : J’ai voulu présenter ici une attitude affirmée et optimiste, sans être dérangée par autrui. Et tout en insistant sur la direction que nous prenons nous-même.
LES TONS CHAIR : Pour les détails, afin de rendre les transitions de couleur plus naturelles, je vais vaporiser de l’eau, notamment sur les tons chair, afin de garder la bonne humidité avant de reprendre ces parties. J’obtiens ainsi un aspect plus naturel.
LES CHEVEUX : Je prends un pinceau sec, saturé en pigments, et je le passe délicatement afin d’indiquer la chevelure. Pour les détails spécifiques, j’attends que la feuille soit parfaitement sèche, car je n’aime pas les rendus flous ou abstraits. Les zones en valeur dans mes peintures sont celles contenant des détails réalistes. J’aime quand mes images sont ancrées dans une certaine réalité.
MES AQUARELLES : Je peins avec des aquarelles de marque Daniel Smith, Van Gogh et Winsor & Newton, mais en vérité, peu m’importe. Les critères importants pour moi sont la saturation des couleurs ainsi que leur finesse.
"Summer light #4" pas à pas
Alors que le papier est encore mouillé en surface, je pose mes premiers lavis qui m’aident à établir les premières formes. J’essaie de faire en sorte que ce premier lavis soit aussi décisif que possible, de manière à éviter d’avoir à en poser d’autres sur les mêmes zones.
Je poursuis en rajoutant des détails, c’est-à-dire les plis et les ombres surle vêtement. J’y reviendrai un peu plus tard.
Prochaine étape : le sourire de mon modèle. Son attitude donne l’ambiance générale de la peinture.
Les contrastes entre la lumière et les zones sombres sont accentués, octroyant davantage d’émotion à la peinture.
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Le final
Avec un pinceau sec, je vais travailler la chevelure, faisant là des retraits de peinture, rajoutant ici de forts rehauts de lumière. Les détails sont importants parce que, selon moi, c’est là que se niche la beauté de la peinture.
E.Memmler

Elke Memmler, La liberté de la couleur
Pour l'artiste Allemande, expressivité rime avec liberté. Refusant tout recours à la photographie, elle poursuit son chemin à la recherche de sa propre vérité en peinture.
Je peins une aquarelle florale, je commence par me promener dans mon jardin ou dans celui de mes sympathiques voisins, afin de choisir une brassée de fleurs. Je n’arrive pas à peindre d’après photo. J’ai besoin d’avoir mon sujet sous les yeux, et cela est vrai aussi pour mes scènes urbaines et mes nus : je dois « voir la réalité ». Je n’ai besoin pour ma composition que de trois ou quatre fleurs, que je dispose dans un petit vase ou un verre et que je garde dans mon atelier jusqu’à ce qu’elles soient fanées. « L’image peinte » se développe dans ma tête grâce à mon imagination. Je regarde les fleurs, puis j’organise mes idées en termes de contrastes d’ombres et de lumières, de composition. Ensuite, je me lance directement dans un croquis sur la feuille. La peinture se fait alors dans l’instant, j’en oublie le temps et l’espace. Je ne me pose pas la question de savoir ce que je peux faire et ce que je ne peux pas faire. Mon travail consiste à retranscrire sur la feuille l’image que j’ai en tête.
Page 72 Elke Memmler
Un tableau à la loupe : les tulipes
LE SUJET Quoi de mieux qu’une brassée de tulipes débordant d’un vase pour exprimer sa créativité artistique ? Fidèle à ma prédilection pour les thèmes floraux, ce bouquet exubérant est prétexte à faire chanter la couleur.
L’EMPLOI DE LA COULEUR : Ici, la couleur est au service la composition qui peut être découpée en trois zones de format à peu près similaire : les bleus dans la partie inférieure représentent le vase, tandis que les fleurs sont rendues dans un camaïeu de rouges flamboyants et transparents. Enfin, dans la partie centrale, les verts assurent la transition entre le haut et le bas de la composition, grâce aux feuilles longilignes, véritables lignes directrices qui se mêlent aux bleus et aux rouges.
LA PEINTURE EN NÉGATIF : Afin que l’aquarelle garde sa légèreté, j’ai délibérément choisi de réserver certains blancs au milieu de la feuille. Ainsi, les deux tulipes rouges, à gauche, trouvent leur contrepoint avec les deux autres formes quasi-identiques et vierges de peinture, à droite. En outre, ce parti pris permet aux couleurs, par contraste avec le blanc du papier, d’être encore plus fortes.
UNE DIVERSITÉ DE TECHNIQUES : Afin d’exprimer toute ma créativité, j’ai choisi de recourir à toute une palette de techniques : granulation, irisation, formes contournées et superposition des lavis…
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Et pour finir
Dario Callo Anco, Peindre pour témoigner
Dario Callo Anco est un artiste péruvien, dernier d’une fratrie comprenant deux autres artistes, Evaristo et Mario. Né dans la ville d’Arequipa, en 1973, Dario Callo a suivi des études d’arts plastiques à l’université de San Agustín, même si sa passion pour l’art remonte à sa plus tendre enfance :
Mon penchant pour le dessin et la peinture a débuté lorsque j’étais à l’école primaire. J’y ai gagné mon premier concours de peinture, avoue l’artiste. Cela m’a donné envie de poursuivre des études d’art, et ensuite de participer à des concours et des expositions. » À l’aquarelle, il exprime ce que lui inspire la lente disparition des traditions et du patrimoine de son pays : « Je me sens touché par l’arrivée au Pérou de la modernité et du ciment, qui se fait le plus souvent au détriment des coutumes et des cultures ancestrales. »
Ce qui m’intéresse, c’est l’attitude de mes personnages, surtout ceux des peuples andins. Dans un portrait, il est important de rendre l’ambiance, qui est un peu l’écrin mettant en valeur le personnage. J’essaie avant tout de saisir les caractéristiques propres à ces peuples, qu’il s’agisse de leurs vêtements ou du grain de leur peau. Je tente de perdre mon sujet dans le fond – une manière de symboliser la disparition de ces peuplades anciennes, de leurs coutumes et de leurs traditions. Que le modèle me soit inconnu ou au contraire un ami ou un membre de ma famille, la difficulté et le défi restent les mêmes. La peinture est ma vie. Dans l’immédiat, je me concentre sur mes recherches sur le paysage andin ainsi que sa population et son développement futur dans ce monde moderne. Offrir une vision contemporaine du Pérou m’intéresse ; mon intérêt pour ce sujet est dû au fait que mes parents sont nés et ont vécu dans la vallée de Colca. Leurs racines andines courent dans mes veines ». Page 77 Dario Callo Anco
Simplifier les formes avec Carl Purcell
Carl Purcell a enseigné la peinture et le dessin au Snow College dans l'Utah pendant 30 ans. Il est actuellement à la retraite du collège mais est un instructeur d'atelier de peinture et de dessin populaire, ayant dirigé des ateliers dans tout l'Ouest, de l'Alaska à l'Arizona et en Grande-Bretagne.
Carl a obtenu le statut de membre emblématique de la National Watercolour Society et a reçu le statut de membre d'honneur de la Utah Watercolour Society pour ses contributions à l'aquarelle dans l'État. Il a remporté de nombreux prix, dont un prix d'achat lors de l'exposition internationale de la National Watercolour Society en 2008. En 2009, Carl a été choisi comme l'un des trois juges de l'exposition annuelle de la National Watercolour Society.
Qu’est-ce qui constitue un style reconnaissable ? Nous avons tous les mêmes lettres de l’alphabet et malgré tout nous avons tous une écriture uniquequi est empreinte de notre personnalité propre. Je suis un résumé virtuel de toutes les peintures que j’ai vues et admirées. Cependant, au fond de moi-même, quelque chose m’a incité à donner une tournure personnelle à tout ce que j’ai pu apprendre. Je ne me suis jamais soucié de développer un style, de la même manière que je ne me suis jamais soucié de développer une écriture personnelle. Cela se fait naturellement. Je ne pense pas que Beethoven ait beaucoup réfléchi au style qu’il souhaitait donner à son oeuvre. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je ne réfléchis jamais beaucoup à mon style. J’imagine que j’en ai un, mais je serais bien en peine de le décrire ! Mon but a toujours été de progresser en peinture, de peindre de manière honnête et d’apprendre un peu à chaque nouvelle oeuvre. J’avoue que j’ai emprunté bien des idées et tiré des leçons de beaucoup de peintures !
Page 86 Carl Purcell
Démo : Aspen
Pour simplifier les formes
Je commence tout d’abord par reconnaître cette angoisse qui précède toute bonne aquarelle. Première étape : réaliser un dessin de mon sujet, dans lequel j’extrais l’information visuelle qui tout de suite m’a attiré l’oeil. Ce peut être une forme claire, une forme sombre, un rythme de formes, une combinaison de couleurs, ou un assemblage de lignes. Le dessin m’aide à mettre en place le sujet, le filtrer et l’embellir. Puis, à partir de cette première esquisse, j’attaque ma peinture. Tout comme le dessin n’est pas la réplique de mon sujet, la peinture n’est pas la simple réplique de mon dessin. À la fin, afin de m’assurer que mes détails sont justes, je me réfère à mon sujet.
Page 87 Carl Purcell
Je débute par des lavis clairs adaptés simplement à l’emplacement des formes spécifiques. Ces lavis alternent entre les couleurs chaudes et froides, avec des dominantes. Je laisse des zones blanches selon mes besoins – voire un peu plus que prévu : ces dernières ont tendance à disparaître au cours de la peinture.
Je développe ensuite des rythmes de valeurs intermédiaires qui divisent la feuille en différentes zones menant au point focal. Cette étape active le format et permet à l’oeil de circuler dans le tableau.
Je développe la partie dominante afin de garder fermement mon idée en tête tandis que je travaille sur le reste de la peinture. Cela me permet de savoir où je dois m’arrêter. J’ajoute si besoin quelques détails tout en essayant surtout de ne pas aller trop loin.
Le final
La technique de l’aquarelle demande généralement une approche tactique. Il est par exemple plus simple de commencer par les valeurs claires et d’aller progressivement vers les sombres. Les besoins de la peinture demeurent néanmoins prioritaires et il m’est arrivé de faire une aquarelle en commençant par poser mes valeurs les plus sombres afin d’établir dès le départ la gamme que je souhaitais utiliser.
Aspen, 56x38 cm, Carl Purcell